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Dommages nés de l’occupation illégale de terrains par des gens du voyage : quelle responsabilité pour la commune ?

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Propriété privée - parking réservé

Une société entendait engager la responsabilité d’une de nos clientes, une commune située dans le département de l’Essonne, en raison de dommages et dégâts causés à ses biens en raison de l’occupation illégale de ses propriétés par des gens du voyages.

Cette dernière avait formulé une importante demande indemnitaire contre la commune.

Ces multiples occupations sans droit ni titre des propriétés de la société avaient eu pour effet d’engendrer de nombreux désordres et, donc, un préjudice financier conséquent.

La société réclamait, ainsi, à la commune :

  • 1 495 381,80 euros au titre du préjudice subi à l’occasion de l’occupation illicite de ses terrains par des gens du voyages, ainsi que des frais d’expertise engagés ;

L’enjeu : démontrer l’absence de responsabilité de la commune pour les dommages causés par des gens du voyage

Petit rappel : en vertu de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000, toute commune de 5000 habitants et plus doit disposer d’une aire d’accueil des gens du voyages ou contribuer au financement d’une aire d’accueil des gens du voyage.

En vertu de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000, un schéma départemental détermine l’implantation d’aires de grand passage. Il s’agit d’aires permettant l’accueil simultané d’un grand nombre de gens du voyage.

En vertu des dispositions de cette la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 et du schéma départemental d’accueil des gens du voyages de l’Essonne publié le 24 octobre 2013 (et remplacé par un nouveau schéma en 2019), la construction d’une aire de grand passage sur le territoire de la Commune était prévue.

Revenons-en à nos moutons : la spécificité de cette demande indemnitaire résidait dans le fait que l’occupation illégale à l’origine des dommages s’était étalée sur des périodes différentes.

La première période de dommages se situait dans le délai de deux ans aux cours duquel l’aire de grand passage devait être réalisée.

Le raisonnement à suivre pour écarter toute responsabilité de la commune devait donc être adapté selon la période du dommage considérée.

Dommages nés de l’occupation illégale de terrains : l’absence de responsabilité de la commune avant l’entrée en vigueur du schéma départemental d’accueil des gens du voyage

Pour la première période d’occupation des propriétés de la société, l’absence d’aire de grand passage qui devait être construite sur le territoire communal n’était pas opposable. En effet, le délai légal de deux ans, accordé pour sa réalisation, n’était pas encore expiré.

Surtout, la mise en œuvre du schéma départemental d’accueil des gens du voyage de l’Essonne était à la charge du Syndicat intercommunal local d’accueil des gens du voyage, puis, à compter du 1er janvier 2016, à la Communauté urbaine de Paris-Saclay.

Autrement dit, la commune n’était compétente en matière d’aménagement, d’entretien et de gestion des aires d’accueil pour les gens du voyage.

Enfin, en tout état de cause, la commune disposait, à la date des premiers dommages, d’une aire d’accueil pour les gens du voyage d’une capacité de 14 places.

La commune remplissait ses obligations telles que le schéma départemental encore en vigueur les fixait.

Par ailleurs, il ressortait des pièces du dossier que :

– la commune avait usé de ses pouvoirs de police : elle avait édicté un arrêté portant interdiction de stationnement des gens du voyage sur l’ensemble du territoire communal, en dehors de l’aire d’accueil aménagée à cet effet ;

– le maire de la commune, bien que ne disposant pas du pouvoir de mettre en demeure les occupants illicites de quitter les propriétés de la société, avait saisi à cette fin le sous-préfet ;

– la commune a mis en place des bennes de collecte des déchets et a assuré le ramassage des déchets.

Par conséquent, dans le strict cadre de ses compétences et de ses pouvoirs, la commune, notamment par l’intermédiaire des pouvoirs de police du Maire, a tout mis en œuvre pour organiser et règlementer le stationnement des gens du voyage sur son territoire et prévenir et faire cesser leur stationnement sur les terrains de la société.

Au regard de l’ensemble de ces éléments, dans son jugement, le Tribunal administratif de Versailles, a jugé que ni la responsabilité pour faute de la commune, ni la responsabilité de la commune au titre de la rupture d’égalité devant les charges publiques ne sauraient être engagées. 

Dommages nés de l’occupation illégale de terrains : l’absence de responsabilité de la commune après l’entrée en vigueur du schéma départemental d’accueil des gens du voyage

Lors de la seconde période d’occupation illicite des propriétés de la société, le nouveau schéma départemental d’accueil des gens du voyage était entré en vigueur.

Pour autant, l’aire d’accueil de grand passage n’avait toujours pas été réalisée sur le territoire communal.

Il n’en demeure pas moins que la commune ne pouvait pas être tenue responsable de cette non-réalisation : la compétence pour réaliser l’aire de grand passage incombait au Syndicat intercommunal d’accueil des gens du voyage, puis à la Communauté urbaine de Paris-Saclay.

La commune avait transféré sa compétence en matière d’aménagement, d’entretien et de gestion des aires d’accueil pour les gens du voyage, elle n’avait, donc, commis aucune faute.

De surcroît, le non-respect du schéma départemental d’accueil des gens du voyage empêchait la commune et le Maire de saisir l’autorité préfectorale afin que ce dernier mette les occupants en demeure de quitter les lieux.

Seule la société, propriétaire des parcelles illicitement occupées, était en mesure de saisir le juge judiciaire d’une demande d’expulsion.

Par ailleurs, il était démontré que la commune avait tout mis en œuvre pour empêcher et faire cesser les dégradations des biens de la société.

Et, le tribunal ajoute, utilement, que la société ne démontrait pas ce qu’aurait dû ou pu faire la commune pour faire cesser les troubles.

Au terme de son raisonnement, le tribunal administratif de Versailles nous donne raison et confirme que la responsabilité de la commune ne peut être engagée.

Contrairement à la commune, l’État est, quant à lui, reconnu responsable des dommages causés à la société, en raison de l’inaction de ses services pour, d’une part, assurer l’évacuation des occupants et, d’autre part, octroyer le concours de la force publique.

Ce que nous avons obtenu pour notre cliente

Dans ce dossier, notre stratégie nous a permis d’obtenir un jugement favorable (lire le jugement du tribunal administratif de Versailles du 30 octobre 2020) puisque l’ensemble des demandes dirigées contre la commune ont été rejetées. Nous avons obtenu une condamnation au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Nous avons, ainsi, fait économiser 1 495 381,80 euros à notre cliente.

Cette victoire assure à la commune des économies directes et indirectes.

Par ailleurs, ce jugement permet d’anticiper et pourra être exploité lorsque d’autres victimes d’occupations illégales de leur bien tenteront d’engager la responsabilité de la commune.

Notre conseil pratique

Même si, la compétence en matière d’aménagement, d’entretien et de gestion des aires d’accueil pour les gens du voyage est transférée à un établissement public de coopération intercommunale, la commune doit, dans le cadre de son pouvoir de police générale, veiller à prévenir toute atteinte à l’ordre public en application des dispositions des articles L. 2212-1 et L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales.

En mettant tout en œuvre pour prévenir et faire cesser les occupations illicites de terrains privés, la commune réduit d’autant plus le risque contentieux en cas de recours.

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