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Offre hors délai en raison d’un dysfonctionnement de la plateforme de dématérialisation : que faire ?

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hors délai

La dématérialisation des procédures de passation des marchés publics implique le développement d’un nouveau moyen en référé précontractuel, fondé sur le dysfonctionnement de la plateforme de dématérialisation. Alors que le dépôt électronique des offres est maintenant la règle, les candidats évincés en raison du dépôt hors délai de leur offre invoquent parfois un dysfonctionnement de la plateforme de dématérialisation pour caractériser un manquement aux principes de la commande publique.

Que faire ?

Offre hors délai : après l’heure, ce n’est plus l’heure

La règle juridique est implacable : les offres reçues hors délais sont éliminées (Article R. 2143-2 du code de la commande publique). L’acheteur public ne peut, donc, analyser une telle offre déposée hors délai, sous peine de créer une rupture d’égalité et de porter atteinte aux principes de la commande publique.

La jurisprudence confirme que l’acheteur public est contraint, au nom des principes de la commande publique, d’écarter, sans les analyser, les offres déposées après la date limite de réception, même si le retard est minime (TA Cergy Pontoise, 30 avril 2013, n° 1302547).

La mise en place progressive de la dématérialisation des procédures de passation des contrats publics

Depuis le 1er octobre 2018 et l’article 41 du décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics, chaque acheteur doit être équipé d’un profil d’acheteur.

Chaque acheteur doit publier sur cette plateforme les documents de la consultation pour les marchés publics (hors défense ou sécurité) dont la valeur du besoin estimé est égale ou supérieure à 40 000 € HT. Et, par la voie de son profil acheteur, le pouvoir adjudicateur réceptionne tous les documents transmis par voie électronique par les candidats à un marché public.

Aujourd’hui, la dématérialisation des procédures de passation est codifiée à l’article R. 3122-10 du code de la commande publique et précisée avec l’arrêté du 22 mars 2019 fixant les modalités de mise à disposition des documents de la consultation et de la copie de sauvegarde.

La dématérialisation des procédures de passation des marchés publics n’a pas d’incidence sur le principe du rejet des offres déposées hors délais. Les tribunaux administratifs rappellent régulièrement l’obligation faite aux acheteurs publics d’écarter purement et simplement les offres déposées tardivement (TA Rennes, 21 décembre 2016, n° 1605233 et TA Dijon, 28 décembre 2018, n° 1803328).

Il n’en demeure pas moins que la dématérialisation des procédures a engendré le développement de nouveaux moyens dans le cadre du référé précontractuel portant sur l’atteinte au principe de libre concurrence en raison, notamment, d’un dysfonctionnement de la plateforme de dématérialisation.

Comment, donc, anticiper ce type de dysfonctionnement et s’en prémunir ?

Nous vous exposons, ci-après, nos conseils de praticiens des procédures de passation et des référés précontractuels.

L’acheteur public face à un dysfonctionnement de la plateforme de dématérialisation

Pour accompagner les acheteurs publics vers l’ère électronique des procédures de passation des contrats de la commande publique, la direction des affaires juridiques du ministère en charge de l’économique met à disposition un guide très pratique de la dématérialisation des marchés publics.

Excellente initiative qui permet d’appréhender les tenants et aboutissants de la dématérialisation. Il n’en demeure pas moins que l’acheteur public peut être victime d’un dysfonctionnement de sa plateforme de dématérialisation.

Au cours de la procédure : s’assurer du bon fonctionnement de la plateforme 

Outre le fait que le pouvoir adjudicateur doit s’assurer que son profil acheteur respecte les fonctionnalités et exigences minimales définies dans l’arrêté du 22 mars 2019 relatif aux fonctionnalités et exigences minimales des profils d’acheteurs, l’acheteur public doit veiller, tout au long de la procédure, au bon fonctionnement de la plateforme.

Dès lors qu’un dysfonctionnement est identifié, il faut veiller à ce que ce dysfonctionnement n’ait pas été en mesure de léser et préjudicier un candidat.

Deux solutions s’offrent à l’acheteur public :

– la déclaration sans suite ;

– prolonger pour l’ensemble des candidats la possibilité de remise des plis.

D’expérience, nous conseillons en outre d’avoir prévenu les candidats, dans les documents de la consultation, de la nécessité :

-> de s’assurer de la compatibilité de leur matériel et leur réseau à l’avance ;

-> de débuter le dépôt électronique suffisamment à l’avance, pour intégrer d’éventuelles lenteur d’upload notamment.

En cas de contentieux, des réflexes à avoir

Le dysfonctionnement de la plateforme peut être un moyen développé par un candidat évincé au service d’un recours contentieux (référé précontractuel ou autres).

Dès lors que ce moyen est opposé et développé, il y a quelques réflexes à avoir, comme cela ressort de la jurisprudence administrative et de notre expérience :

– se rapprocher du prestataire gestionnaire de la plateforme de dématérialisation pour vérifier l’absence de dysfonctionnement ;

La confirmation de l’existence d’un dysfonctionnement pourrait être susceptible d’avoir lésé le candidat évincé pour dépôt de son offre hors délais.

– récupérer tous les échanges entre le candidat évincé et le prestataire, gestionnaire de la plateforme de dématérialisation ;

En effet, le juge administratif n’hésite pas à annuler une procédure dès lors que face à une difficulté lors du dépôt de sa candidature, le candidat évincé n’a pas été en mesure d’obtenir une réponse utile et rapide au regard des délais du gestionnaire de la plateforme (TA Toulouse, 16 juin 2017, n° 1702445). 

– récupérer l’historique de dépôt des candidatures et offres sur le profil acheteur pour mettre en exergue l’absence de dysfonctionnement.

En pratique, démontrer qu’au même moment, ou dans une chronologie sensiblement identique, des candidats ont été en mesure de déposer leur offre est susceptible d’établir l’absence de tout dysfonctionnement de la plateforme de dématérialisation.

L’analyse de ces éléments permettra d’identifier les risques pour la procédure et, par conséquent, l’opportunité de défendre ou, à l’inverse, de déclarer la procédure sans suite.

Le candidat : prendre ses précautions pour anticiper tout dysfonctionnement

Au même titre que l’acheteur public, la direction des affaires juridiques des ministères économiques et financiers a mis à disposition des opérateurs économiques un guide très pratique de la dématérialisation des marchés publics.

La jurisprudence administrative complète ce guide utile.

Le conseil pratique : anticiper les dysfonctionnements éventuels

En l’état, le tribunal administratif de Toulon synthétise les précautions à mettre en œuvre pour anticiper et faire face à tout dysfonctionnement de la plateforme de dématérialisation (TA Toulon, 30 janvier 2020, n° 1904516) :

– s’entrainer au préalable à déposer pour identifier toutes les difficultés ou dysfonctionnements ; 

– prévoir un délai minimum pour répondre ;

De jurisprudence constante, il est demandé aux candidats de déposer leur offre en respectant un délai raisonnable.

Autrement dit, il ne faut pas attendre la dernière minute.

Il faut, au contraire, prévoir un laps de temps minimum permettant de garantir l’envoi des offres dans les délais requis (TA Caen, 28 juillet 2016, société SADE, n° 1601353 ; TA Rennes, 21 décembre 2016, n° 1605233 ; TA Melun, 25 février 2019, n° 1900979) ;

– transmettre une copie de sauvegarde (article R. 2132-11 du code de la commande publique) même s’il ne s’agit que d’une faculté offerte au candidat, de sorte que l’absence de copie de sauvegarde ne saurait caractériser une quelconque négligence de sa part (CE, 23 septembre 2021, n° 449250).

La copie de sauvegarde est, notamment, ouverte lorsqu’une candidature ou une offre électronique est reçue de façon incomplète, hors délais ou n’a pu être ouverte. Attention, il faut que la transmission de la candidature ou de l’offre électronique ait commencé avant la clôture de la remise des candidatures ou des offres.

Face à un dysfonctionnement lors du dépôt : que faire ?

Toutes les précautions prisent en amont ne suffisent parfois pas et tout dépôt peut faire face à un dysfonctionnement.

Dans ce cas, le candidat évincé doit démontrer la réalité du dysfonctionnement de la plate-forme de dématérialisation (TA Melun, 25 février 2019, n° 1900979).

Pour se faire, le candidat évincé pourra, notamment, exposer :

– la qualité de son débit internet ;

– la durée normale de téléchargement de son offre ;

– la réalisation d’un test de dépôt préalablement au véritable dépôt, démontrant la compatibilité du matériel et du réseau de l’entreprise ;

– toutes difficultés pour joindre le gestionnaire de la plateforme. En effet, en présence de la moindre difficulté, nous conseillons de prendre attache du gestionnaire de la plateforme dans les plus brefs délais.

Et, dans un arrêt récent, le Conseil d’Etat a pu synthétiser ces solutions pratiques en jugeant que

« Si l’article R. 2151-5 du code de la commande publique prévoit que les offres reçues hors délai sont éliminées, l’acheteur public ne saurait toutefois rejeter une offre remise par voie électronique comme tardive lorsque le soumissionnaire, qui n’a pu déposer celle-ci dans le délai sur le réseau informatique mentionné à l’article R. 2132-9 du même code, établit, d’une part, qu’il a accompli en temps utile les diligences normales attendues d’un candidat pour le téléchargement de son offre et, d’autre part, que le fonctionnement de son équipement informatique était normal« 

(CE, 23 septembre 2021, n° 449250).

Ainsi, le Conseil d’Etat confirme les deux réflexes à avoir :

  • – anticiper le dépôt en prenant une marge de manoeuvre et, donc, démontrer l’absence de négligence lors de la procédure de dépôt ;

  • – démontrer le bon fonctionnement de son équipement informatique.

Et à nouveau, le Conseil d’Etat juge que le dépôt tardif d’une offre est la faute du candidat alors même qu’il était démontré la défectuosité d’un lien hypertexte dans le RC permettant le dépôt dématérialisé des offres (CE, 3 juin 2022, Sté SAUR, n°461899).

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