Après un arrêt qui tranche le sort de la candidature ou de l’offre déposée dans le mauvais tiroir numérique (notre analyse ici), voici un nouvel arrêt du Conseil d’État du 1er juin 2023, toujours en matière de commande publique. Mais cette fois le Conseil d’État juge irrecevable l’action en référé précontractuel d’un candidat dont l’offre a été définitivement jugée irrégulière.
La genèse : l’irrégularité de l’offre de l’attributaire entraîne l’annulation de la décision d’attribution
Avant cet arrêt du 1er juin 2023, cette procédure de passation avait déjà donné lieu à l’intervention des juridictions administrative.
A l’origine de cette affaire, une consultation lancée par le ministère chargé des transports (direction générale de l’aviation civile) en vue de la passation d’une concession de service portant sur l’exploitation de l’aéroport de Tahiti Faa’a.
La concession a initialement été attribuée au groupement Egis Airport Opération / Caisse des dépôts et consignations.
Néanmoins, la Chambre de commerce, d’industrie, des services et des métiers de Polynésie française (CCISM), qui avait soumissionné à cette procédure, dans le cadre d’un groupement, a introduit un référé précontractuel sur le fondement de l’article L. 551-24 du code de justice administrative.
Confirmant l’ordonnance n° 2100484 du 28 octobre 2021 du juge des référés du tribunal administratif de la Polynésie française, le Conseil d’État a jugé que l’offre du groupement attributaire était irrégulière de sorte qu’elle devait, par suite, être éliminée.
Le Conseil d’État a, par confirmé, confirmé l’annulation de la décision d’attribution.
Après cette annulation, la concession a finalement été attribuée à la société Vinci Airports.
C’est dans ce contexte que le premier attributaire de ce contrat de concession a décidé d’introduire, à son tour, un référé précontractuel qui a donné lieu à la décision du Conseil d’État du 1er juin 2023.
L’irrégularité définitive de l’offre fait perdre au candidat tout intérêt à agir contre la procédure de passation
Offre irrégulière et introduction d’un référé précontractuel
En droit, le Conseil d’État rappelle qu’un candidat dont l’offre a été déclarée irrégulière dispose d’un intérêt à agir et peut se prévaloir, pour contester l’attribution du contrat, de l’irrégularité de l’offre de la société attributaire :
« la circonstance que l’offre du concurrent évincé, auteur du référé contractuel, soit irrégulière ne fait pas obstacle à ce qu’il puisse se prévaloir de l’irrégularité de l’offre de la société attributaire du contrat en litige. Tel est notamment le cas lorsqu’une offre peut être assimilée, par le juge des référés dans le cadre de son office, à une offre irrégulière en raison de son caractère anormalement bas »
(CE, 27 mai 2020, Sté Clean Building, n° 435982 et également CE, 1 juin 2023, n° 468930).
Pour autant, ce droit s’éteint dès lors que l’offre du requérant a été jugée irrégulière par une décision juridictionnelle devenue définitive.
Offre définitivement irrégulière et référé précontractuel
Tout l’apport de l’arrêt du Conseil d’État n° 468930 réside dans ce point.
En effet, le Conseil d’État opère une distinction entre l’offre irrégulière et l’offre définitivement irrégulière, c’est à dire l’offre d’un concurrent évincé qui a été jugée irrégulière par une décision juridictionnelle devenue définitive.
Dans cette dernière hypothèse, le candidat évincé :
« ne peut être regardé comme ayant un intérêt à conclure le contrat et habilité à agir contre la nouvelle décision en portant attribution après reprise de la procédure ».
(CE, 1 juin 2023, n° 468930)
Dans ces conditions, la requête est, ainsi, rejetée et l’attribution du contrat de concession confirmée, après cette longue joute judiciaire.
Bien évidemment, la portée pratique de cette solution est assez limitée.