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Pour obtenir des indemnités d’une administration, lier le contentieux mais pas que !

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demande indemnitaire - liaison du contentieux

Obtenir des indemnités de l’administration suppose de respecter quelques règles procédurales. Pour obtenir du juge administratif la condamnation de l’administration à verser des indemnités, il faut lier le contentieux.

Justement, notre cliente, une commune du département de l’Eure était confrontée à la demande d’un agent contractuel qui, suspendu des fonctions qu’il occupait dans un de ses services, pour une durée indéterminée, réclamait une indemnité.

En l’occurrence, cet agent du service public considérait que la décision de suspension lui causait un préjudice ; il demandait, en réparation de ce préjudice, une indemnité d’un montant de 231 066 euros.

Initialement, l’agent contestait devant le tribunal administratif de Rouen la légalité de la décision de l’administration de le suspendre de ses fonctions.

Ce n’est, finalement, que dans un second mémoire que l’agent a introduit et formulé sa demande de versement d’une indemnité.

Dans l’intérêt du service public, il nous fallait obtenir le rejet de cette demande, le montant de l’indemnité demandé étant particulièrement élevé.

Lier le contentieux pour obtenir une indemnité de l’administration : qu’est-ce donc ?

En vertu des dispositions de l’article R. 421-1 du code de justice administrative :

« La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée.

Lorsque la requête tend au paiement d’une somme d’argent, elle n’est recevable qu’après l’intervention de la décision prise par l’administration sur une demande préalablement formée devant elle.

Le délai prévu au premier alinéa n’est pas applicable à la contestation des mesures prises pour l’exécution d’un contrat ».

Lier le contentieux c’est cela : on ne peut demander une indemnité à l’administration qu’après l’intervention d’une décision prise par elle, quel que soit le montant de l’indemnité demandée.

Autrement dit, si on se fie au texte, il faut d’abord écrire à l’administration pour lui demander une indemnité. Puis, lorsque l’administration refuse de faire droit à cette demande, soit par décision express soit par décision implicite, attaquer cette décision de refus devant le juge administratif.

A défaut pour le requérant d’avoir lié le contentieux, sa requête sera irrecevable.

L’état du droit : la liaison du contentieux est toujours possible en cours d’instance

Dans un avis du 27 mars 2019 (Conseil d’État, Avis, 27 mars 2019, Centre hospitalier universitaire de Reims, req. n° 426472), le Conseil d’État a indiqué que la recevabilité de la requête indemnitaire devait s’analyser à la date à laquelle le juge statue.

Le Conseil d’État en déduit que la condition de recevabilité de la requête, tenant à l’existence d’une décision préalable de l’administration, n’a pas à être appréciée à la date d’introduction du recours.

Le Conseil d’État s’émancipe donc tant de la lettre de l’article R. 421-1 du code de justice administrative telle qu’issu du Décret JADE.

Par conséquent, on a toujours le droit de régulariser une demande d’indemnités en cours d’instance, en adressant à l’administration une demande indemnitaire préalable…qui ne l’est plus vraiment puisqu’elle intervient en cours d’instance.

En l’espèce, le requérant a respecté la lettre de l’article R. 421-1 du code de justice administrative puisqu’il a, préalablement à sa demande indemnitaire devant le tribunal administratif de Rouen, demandé une indemnité à l’administration.

Cette demande indemnitaire préalable a fait l’objet d’un rejet explicite de la part de la commune.

Dans ces conditions, pendant un délai de deux mois courant à compter de la notification du rejet de la commune, l’agent avait le droit d’introduire sa demande d’indemnités devant le juge administratif.

Reprenant la chronologie des échanges intervenus dans ce dossier, nous avons centré notre argumentation sur l’évidente irrecevabilité des demandes indemnitaires dans la mesure où ces demandes étaient tout simplement tardives.

En effet, il ressort des pièces du dossier que l’agent contestait la décision de rejet de l’administration plus de 2 mois après qu’elle lui avait été notifiée.

Et, dans ce contexte, pour tenter de régulariser sa situation, dans l’esprit de l’avis du Conseil d’État du 27 mars 2019, l’agent a introduit une seconde demande indemnitaire préalable.

Cette seconde demande présentait, à cet égard, la particularité de se fonder sur les mêmes fautes et demander l’indemnisation des mêmes préjudices que la première réclamation préalable.

Lier le contentieux indemnitaire certes, mais dans le respect des délais contentieux

Utilement et pédagogiquement, le Tribunal administratif de Rouen précise les règles applicables à la liaison du contentieux.

Ainsi, si en cours d’instance, une demande indemnitaire peut être formulée, encore faut-il :

-> qu’elle s’appuie sur une demande préalable (article R. 421-1 du code de justice administrative) ;

-> et qu’elle soit introduite dans un délai de deux mois courant à partir de la notification de la décision de rejet.

En l’espèce, reprenant notre raisonnement le Tribunal administratif de Rouen a rejeté la demande indemnitaire car cette dernière était tardive. Cette demande a été introduite plus de deux mois après la notification du rejet de la demande indemnitaire préalable.

Par ailleurs, la circonstance, qu’en cours d’instance, le requérant a formulé une nouvelle demande indemnitaire préalable est sans incidence.

Et pour cause, cette seconde réclamation préalable se fondait sur les mêmes fautes et demande l’indemnisation des mêmes préjudices que la première réclamation.

Le juge administratif en déduit fort logiquement que cette seconde demande d’indemnité n’a pu se substituer à la première réclamation et, par conséquent, n’a pu permettre de régulariser la procédure.

Ce que nous avons obtenu pour l’administration

Au terme de son analyse, le Tribunal administratif de Rouen a rejeté les demandes indemnitaires formulées à l’endroit de notre cliente, dans la mesure où les demandes indemnitaires étaient tardives. L’agent était, ainsi, forclos pour formuler de telles réclamations financières.

Si le requérant a su introduire une réclamation préalable auprès de la commune, sa demande d’indemnités devant le juge administratif fut en revanche introduite après expiration du délais contentieux de 2 mois, qui courait à compter du rejet de sa demande par la commune.

L’exploitation, par nos soins, des erreurs procédurales adverses a été payante et a permis, in fine, de faire économiser au service public un important montant, de plus de 200 00 euros.

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