Une partie du patrimoine des personnes publiques est affecté aux logements des agents: on parle alors de logements de fonction.
Le logement de fonction constitue une catégorie générique qui regroupe différents régimes juridiques, en fonction de la nature des fonctions exercées, des conditions d’attribution du logement ou encore de la nature du bien concerné.
Il s’agit, ici, d’évoquer uniquement le logement de fonction pour nécessité absolue de service.
Pour le régime du logement de fonction attribué sans lien avec le service, nous vous renvoyons vers notre article sur la question (étude à lire ici).
L’attribution du logement de fonction pour nécessité absolue de service
L’attribution d’un logement pour nécessité absolue de service correspond aux hypothèses où :
« l’agent ne peut accomplir normalement son service, notamment pour des raisons de sûreté, de sécurité ou de responsabilité, sans être logé sur son lieu de travail ou à proximité immédiate », en application des dispositions de l’article R. 2124-65 du code général de la propriété des personnes publiques.
Bien que cet article concerne les concessions de logement dans les immeubles appartenant à l’Etat, il est parfaitement applicable aux cas des collectivités territoriales.
En effet, l’article 21 de la loi n° 90-1067 du 28 novembre 1990 modifié, auquel renvoie l’article L. 2222-11 du CG3P, sans reprendre mot pour mot les dispositions du code général de la propriété des personnes publiques, identifie les logements qui peuvent être attribués gratuitement ou moyennant une redevance par la collectivité ou l’établissement public concerné, en raison notamment des contraintes liées à l’exercice de ces emplois.
Autrement dit, pour nécessité absolue de service, le logement peut être concédé :
– à titre gratuit ;
– moyennant une redevance.
Quelles contraintes justifient l’attribution d’un logement de fonction pour nécessité absolue de service ?
En l’occurrence, le simple fait d’être titulaire d’un emploi public ne justifie pas en lui-même l’attribution d’un tel logement. Ce sont, ici, les fonctions et, plus globalement, les missions confiées à l’agent qui nécessitent et justifient l’attribution d’un logement.
En synthèse, la nécessité absolue de service doit être reconnue dès lors que pour exercer ses fonctions, l’agent doit être constamment présent sur son lieu d’affectation.
Sans surprise, ces contraintes ont été admises, par exemple, pour un gardien ou un concierge.
Pour faciliter la décision de la collectivité, il est également conseillé de recourir aux dispositions de l’article R. 2124-65 du code général de la propriété des personnes publiques. Ces dispositons mettent en avant un faisceau d’indices relatif aux contraintes susceptibles de justifier l’attribution d’un logement pour nécessité absolue de service. Ce sont des raisons de sûreté, de sécurité ou de responsabilité qui justifient un logement à proximité immédiate du lieu d’exercice des activités professionnelles.
Les emplois justifiant l’attribution d’un logement de fonction pour nécessité absolue de service
L’article 21 de la loi n° 90-1067 du 28 novembre 1990 modifié liste une liste d’emplois pour lesquels un logement de fonction pour nécessité absolue de service peut être attribué :
– les emplois fonctionnels d’un département ou d’une région ;
– l’emploi de directeur général des services d’une commune de plus de 5 000 habitants ;
– l’emploi de directeur général d’un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre de plus de 20 000 habitants,
– l’emploi de directeur général adjoint des services d’une commune ou d’un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre de plus de 80 000 habitants.
– un seul emploi de collaborateur de cabinet du président de conseil général ou régional, d’un maire ou d’un président d’un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre de plus de 80 000 habitants.
Pour le personnel de l’État, la liste d’emploi est établie par l’arrêté du 11 octobre 2019 modifiant l’arrêté du 15 décembre 2015.
Cette liste n’est pas limitative. Dès lors qu’une contrainte de proximité entre le lieu de travail et le logement existe, un logement pour nécessité absolue de service doit être attribué.
D’un point de vue formel, une délibération de l’assemblée délibérante fixe la liste des emplois pour lesquels un logement de fonction pour nécessité absolue de service peut être attribué gratuitement ou moyennant une redevance.
Le régime juridique du logement de fonction pour nécessité absolue de service
Un régime de droit public
Dans ce cas, peu importe la domanialité publique ou privé du logement, ce qui l’emporte est l’objectif poursuivi : accorder un logement à un agent en raison de ses fonctions.
C’est, ainsi, le lien avec l’emploi public qui va commander le régime juridique applicable, à savoir un régime exorbitant du droit commun et la compétence de la juridiction administrative :
« Sur la compétence de la juridiction administrative et la régularité de l’ordonnance attaquée :
Considérant que le logement occupé par M. Mouronvalle lui ayant été concédé par nécessité absolue de service, la juridiction administrative était compétente pour se prononcer sur la demande de libération de ce logement présentée par la région » (CE, 9 février 2000, Région de Bourgogne, n° 188954).
On trouve d’autres exemples de jurisprudences identiques :
« Considérant que le logement occupé par M. X… lui ayant été concédé par nécessité absolue de service, la juridiction administrative était compétente pour statuer sur la demande de libération de ce logement présentée par le centre hospitalier, alors même qu’il n’aurait pas le caractère d’une dépendance du domaine public de cet établissement » (CAA Nantes, 12 juillet 2001, Centre hospitalier et universitaire de Brest, n° 00NT00698).
Par conséquent, le juge administratif sera compétent pour tous les litiges relatifs à un logement de fonction pour nécessité absolue de service.
Les conditions de mise à disposition d’un logement de fonction pour nécessité absolue de service
La fixation des conditions de mise à disposition
Aux termes du 5 de l’article L. 2122-22 du CGCT, peut être délégué au Maire la compétence pour « décider de la conclusion et de la révision du louage de choses pour une durée n’excédant pas douze ans ».
Et, si l’article L. 2241-1 du CGCT précise que « Le conseil municipal délibère sur la gestion des biens », le Conseil d’Etat précise que :
« Considérant qu’en vertu de l’article L. 2121-29 du code général des collectivités territoriales : Le conseil municipal règle par ses délibérations les affaires de la commune ; qu’en vertu de cet article, il appartient au conseil municipal, hors le cas où cette compétence a été préalablement déléguée au maire en application de l’article L. 2122-22, d’approuver la passation des baux sur les terrains communaux ; qu’il revient au conseil municipal, pour l’exercice de cette attribution, de définir les principales caractéristiques de ces contrats, notamment quant aux bénéficiaires, à la nature et à la consistance des terrains en cause, au régime juridique applicable, au loyer et à la durée des baux ; que les dispositions de l’article L. 2122-21, qui chargent le maire d’exécuter les décisions du conseil municipal et en particulier de passer les baux des biens, n’ont pas pour objet et ne peuvent avoir pour effet de dispenser le conseil municipal de se prononcer sur les caractéristiques susévoquées » (CE, 5 décembre 2005, n° 270948).
Une réponse ministérielle confirme :
« Le conseil municipal, lorsqu’il donne une délégation d’attribution au maire dans un des domaines énumérés par l’article L. 2122-22 du code général des collectivités territoriales, se dessaisit de sa compétence dans ce domaine. Ainsi, le maire, chargé par délégation pour la durée de son mandat « de décider de la conclusion et de la révision du louage de chose pour une durée n’excédant pas douze ans », se trouve investi du pouvoir de passer les contrats de location et d’en fixer, par conséquent, le prix. Selon la jurisprudence, dans le cadre de cette délégation, le maire a également le pouvoir de mettre à disposition à titre gratuit un logement, dans certaines circonstances (CE, 29 décembre 1997, n° 169101). Il peut aussi décider de ne pas renouveler un engagement de location, y compris s’il s’agit d’un contrat d’occupation du domaine public communal (CE, 21 janvier 1983, n° 37308 ; a contrario, CAA de Bordeaux, 4 février 2010, n° 09BX01060) » (Réponse ministérielle, JO 26 août 2008, p. 7400).
En fonction de l’existence d’une délégation de compétence, il appartiendra, selon, au maire ou au conseil municipal, de déterminer les conditions de mise à disposition du logement communal, notamment, en fixant le loyer.
A cet égard, la jurisprudence administrative dégage les principes encadrant la fixation des conditions tarifaires d’occupation des biens communaux :
« il appartient à l’autorité municipale de fixer le montant de la redevance d’occupation d’un logement de fonction concédé par utilité de service à l’un de ses agents en tenant compte des caractéristiques du bien, des valeurs locatives constatées pour des logements comparables situés dans le même secteur géographique et des conditions particulières de l’occupation du logement » (CE, 1er octobre 2015, n° 372030).
Ces principes peuvent être étendus à l’ensemble des logements mis à disposition des agents.