Le logement de fonction sans lien nécessaire avec le service représente la grande majorité des cas où une personne publique met à disposition un logement à un agent public.
Pour autant, aucune nécessité absolue ne justifie cette mise à disposition d’un logement..
En pratique l’expression de logement de fonction est, ici, employée de manière excessive. Pour autant, dans la mesure où l’attribution du logement n’est pas liée à l’emploi exercé, les dispositions de l’article 21 de la loi n° 90-1067 du 28 novembre 1990 modifié ne s’appliquent pas (pour le régime du logement de fonction pour nécessité absolue de service, voir notre article).
Dans ce cas, le régime juridique dépendra de la domanialité du bien mis à disposition.
La nécessité de déterminer la domanialité du logement de fonction attribué à un agent public
Ici, il est important de déterminer :
– si le logement est manifestement dissociable physiquement et fonctionnellement de bâtiments communaux recevant du public ;
– si le logement a été affecté à l’usage direct du public ou au service public et, dans ce dernier cas, a reçu les aménagements indispensables à cette affectation.
En effet, la jurisprudence retient une approche pragmatique :
« Considérant qu’il résulte de l’instruction que, même s’ils sont situés dans un ensemble immobilier partiellement occupé par un service public, les appartements, loués de longue date à des particuliers dans les conditions de droit commun, n’ont jamais été affectés ni à l’usage direct du public ni au service public dont le Crédit municipal de Paris a la charge et en vue duquel ils auraient été spécialement aménagés ; qu’il résulte également de l’instruction que ces appartements, qui bénéficient d’un accès direct et autonome sur la rue des Blancs-Manteaux, ne sont pas reliés aux autres bâtiments qui composent l’ensemble immobilier occupé par le Crédit municipal de Paris et sont divisibles des locaux affectés au service public ; que, par suite, ces appartements, qui ne sauraient être regardés comme un accessoire des locaux appartenant au domaine public, ne constituent pas des dépendances du domaine public de cet établissement public ; que si le Crédit municipal de Paris soutient qu’en vertu d’un arrêté du 27 octobre 1960, modifié par un arrêté du 1er juillet 1962, ces appartements devaient en principe être concédés au personnel de l’établissement, soit par nécessité absolue du service, soit par utilité de service, soit en considération des fonctions occupées par les agents, cette circonstance – qu’au demeurant le Crédit municipal de Paris n’établit pas – est sans incidence sur le régime de domanialité qui leur est applicable » (CE, 11 décembre 2008, 309260).
Ou encore :
« Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que l’accès aux locaux mis à la disposition de la SARL BRASSERIE DU THEATRE s’effectue par une entrée située directement sur la rue et distincte de celle du théâtre municipal de Reims ; que si, en vertu de la convention conclue le 17 mai 1991 avec la commune de Reims, cette société bénéficie du droit exclusif de vendre pendant les représentations théâtrales des rafraîchissements et des produits comestibles au buffet du premier étage du théâtre ainsi qu’à la buvette des deuxièmes galeries, aucune stipulation de cette convention ne lui fait obligation d’assurer ces prestations ; que la convention ne contient pas davantage de stipulations lui imposant pour les jours ou les horaires d’ouverture de ses locaux des sujétions liées aux spectacles donnés dans le théâtre ; que si ces locaux sont situés dans le même immeuble que le théâtre municipal et si la société dispose de communications internes permettant de fournir les prestations qu’elle décide d’assurer au buffet ou à la buvette du théâtre, ces seules circonstances ne permettent pas de les regarder comme l’un des éléments de l’organisation d’ensemble du théâtre et par suite comme étant affectés au service public culturel de la commune de Reims ou comme un accessoire du domaine public communal ; que, dès lors, la SARL BRASSERIE DU THEATRE est fondée à soutenir que c’est à tort que le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a jugé que la convention conclue le 17 mai 1991 avait la nature d’une convention d’occupation du domaine public » (CE, 28 décembre 2009, n°290937).
Autrement dit, pour conclure à la domanialité publique du logement, il faut mener le raisonnement suivant.
Premièrement, répondre aux deux questions :
– le logement est-il manifestement dissociable physiquement et fonctionnellement des bâtiments communaux recevant du public ?
– le logement a-t-il été affecté à l’usage direct du public ou au service public et, dans ce dernier cas, a reçu les aménagements indispensables à cette affectation ?
Cette analyse doit être minutieuse, notamment, pour les logements anciennement affectés au logement des instituteurs ou autre employé public (comme le receveur de la poste par exemple).
L’applicabilité de la théorie de la domanialité publique virtuelle devra également être vérifiée (CE, 13 avril 2016, Commune de Baillargues, n°391431).
Secondement, une fois l’affectation au domaine public identifiée, vérifier la domanialité actuelle.
Il convient de vérifier si une procédure de sortie du domaine public a été, non seulement, initiée, mais menée à son terme dans le strict respect des obligations de désaffection et de déclassement.
Ce n’est qu’à l’issue de ces investigations factuelles et juridiques, que la nature exacte de la domanialité du logement pourra être identifiée.
Le logement de fonction de l’agent public : dépendance du domaine public communal
Dans ce cas, le logement relève d’un régime de droit public. L’attribution du logement se fera via une autorisation d’occupation temporaire du domaine public.
L’autorisation d’occupation temporaire du domaine public pourra prendra la forme d’un arrêté ou d’une concession domaniale.
Les dispositions du code général de la propriété des personnes publiques s’appliqueront.
Le logement de fonction de l’agent public : dépendance du domaine privé communal
Dans cette hypothèse, un bail d’habitation conforme à la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 devra, en principe, être conclu.
En pratique il est possible de déroger au bail d’habitation mais sous certaines conditions restrictives.
La convention conclue à titre exceptionnel et transitoire
Ce type de bail est expressément prévu à l’article 40,V, de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986.
Ces conventions permettent donc de se soustraire à la durée locative minimale de six années pour les baux conclus par une personne morales. En revanche, les autres dispositions de la loi de 1989 demeurent applicables.
Une réponse ministérielle précise également :
« Aucune des dispositions législatives citées par l’honorable parlementaire ne limite au domaine privé des collectivités locales, les logements qui peuvent faire l’objet de locations à titre exceptionnel et transitoire par ces collectivités. Cet article a été voté notamment dans l’intention de permettre aux communes disposant de logements d’instituteur inutilisés temporairement de louer ceux-ci à des tiers, en dérogeant aux conditions de durée et de renouvellement prévues par la loi. Il se justifie par les obligations qui incombent spécifiquement aux collectivités locales en matière de logement de personnes sinistrées ou plus généralement en difficultés temporaires » (Rép. min. n° 23712 : JOAN Q 16 avr. 1990, p. 1879).
La doctrine s’accorde pour considérer que ces conventions visent à venir en aide aux personne sinistrées ou en difficulté temporaire, ce que confirme arrêt de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence (CA Aix-en-Provence, 5 juillet 2005, n°08/02097).
Il s’agit d’une convention exceptionnelle, qui doit, donc, être réservée à de rares cas.
Autrement dit, ce type de contrat viserait, donc, plutôt des populations en difficulté temporaire. Mais, rien n’empêche de recourir à ce type de convention pour un logement d’un agent, à condition de pouvoir justifier le caractère exceptionnel de la situation.
Une analyse factuelle de la situation doit être évidemment menée.
La convention d’occupation précaire (L.145-5-1 du code de commerce)
Ces conventions se caractérisent par une précarité objective, indépendante de la volonté du bénéficiaire de la convention, ou plus globalement des parties.
La précarité est régulièrement appréhendée de manière objective, lors de la signature de la convention (Cass. 3e civ., 29 avril 2009, n°08-10.506).
Par exemple, une précarité objective a été reconnue dans :
– la convention conclue dans l’attente d’une expropriation (Cass. 3e civ., 15 mars 1977, n° 75-14.016) ;
– la convention portant sur des locaux destinés à la démolition (Cass. 3e civ., 6 novembre 1991, n° 90-16.514).
– le cas d’une précarité objective, soit en cas de grande détresse matérielle et psychologique du bénéficiaire (CA Versailles, 18 février 2014, n°13/03413).
Attention, le juge n’hésite pas à requalifier en bail d’habitation :
– en cas de renouvellement à de trop nombreuses reprises de la convention précaire sans que la situation de précarité objective ne perdure ;
– en l’absence de précarité objective.
Le recours à la convention précaire ne doit pas être destiné à contourner la protection du locataire voulue par la loi du 6 juillet 1989.
Autrement dit, déroger au bail d’habilitation lors de la mise à disposition d’un logement communal à un agent public n’est pas évident. Il faut que les conditions tant de la convention à titre exceptionnel et transitoire ou du bail précaire soient remplies.
Les conditions de mise à disposition d’un logement de fonction à un agent public
Sur ce point, nous vous renvoyons à nos développements dans notre article relatif au logement de fonction pour nécessité absolue de service, puisque les mêmes règles s’appliquent ici.