Ces dernières années, l’actualité a été marquée par plusieurs effondrements de balcons, aux conséquences plus ou moins graves. Ces affaires, au même titre que le drame de la rue d’Aubagne à Marseille, interrogent sur le rôle de la commune et du maire face au risque d’effondrement d’un balcon.
Que faire face au risque d’effondrement d’un balcon ?
Agir en urgence sur le fondement des pouvoirs de police du maire pour prévenir les risques d’effondrement d’un balcon
Le pouvoir de police général du maire
Il revient au Maire, en vertu de ses pouvoirs de police générale de prendre toute mesure de nature à mettre fin à un risque excédant celui contre lequel un administré doit normalement se prémunir (article L.2212-2 du code général des collectivités territoriales).
Il s’agit d’un pouvoir de police générale. Le juge sanctionne la carence dans son usage. Et tout manquement est susceptible d’engager de la responsabilité administrative de la commune.
Il incombe au Maire « de prévenir, par des précautions convenables, les accidents et les fléaux calamiteux ainsi que les pollutions de toute nature, tels que les incendies, les inondations, les ruptures de digues, les éboulements de terre ou de rochers, les avalanches ou autres accidents naturels » (article L. 2212-2 5° du code général des collectivités territoriales).
Un pouvoir de police pour faire face aux dangers graves et imminents
Par ailleurs, « En cas de danger grave ou imminent, tel que les accidents naturels prévus au 5° de l’article L. 2212-2, le maire prescrit l’exécution des mesures de sûreté exigées par les circonstances. Il informe d’urgence le représentant de l’État dans le département et lui fait connaître les mesures qu’il a prescrites » (article L. 2212-4 du code général des collectivités territoriales).
En application de ces dispositions, le Conseil d’État considère de manière constante :
« Considérant qu’il résulte de l’instruction que la crue du Ruisseau le Maubie en décembre 1965 et janvier 1966 provoque l’amoncellement de boues, cailloux et détritus divers en aval de la traversée de ce cours d’eau par la ligne de chemin de fer de Charleville à Givet et l’obstruction de l’aqueduc Dalle passant sous le chemin de Buchy ; qu’il n’est pas contesté que le risque d’inondation des propriétés riveraines inhérent à cette situation comportant un danger grave et imminent pour la sécurité publique justifiant la prescription de travaux de sureté par application de l’article 10 précité » (Conseil d’Etat, 5 mars 1971, n° 75890).
De même,
« Considérant qu’à la suite de l’effondrement d’un mur de soutènement et pour parer au danger d’éboulement du talus dominant ce mur, le maire de la commune de Madaillan (Lot-et-Garonne) a fait exécuter, sur la propriété de la Dame Bonneau, des travaux de déblaiement et de construction d’un mur en béton armé. l’emplacement de l’ancien mur écroulé ; que la commune ne conteste pas qu’elle doit reconstruire un « mur de pied » détruit lors des travaux de déblaiements et que des travaux de confortement du talus sont nécessaires pour éviter la chute d’un important rocher au droit de la maison ; que le coût de l’ensemble de ces travaux doit être intégralement supporté par la commune » (CE, 4 décembre 1974, n° 90473).
Autrement dit, le maire peut prescrire des travaux sur la propriété privée en cas de danger grave et imminent, en vertu de ses pouvoirs de police.
La légalité de l’exercice de tels pouvoirs repose sur la nature particulièrement grave du risque pour la sécurité publique.
C’est ce que confirme le Conseil d’État récemment :
« Considérant que les pouvoirs de police générale reconnus au maire par les dispositions précitées des articles L. 2212-2 et L. 2212-4 du code général des collectivités territoriales, qui s’exercent dans l’hypothèse où le danger menaçant un immeuble résulte d’une cause qui lui est extérieure, sont distincts des pouvoirs qui lui sont conférés dans le cadre des procédures de péril ou de péril imminent régies par les articles L. 511-1 à L. 511-4 du code de la construction et de l’habitation, auxquels renvoie l’article L. 2213-24 du code général des collectivités territoriales, qui doivent être mis en œuvre lorsque le danger provoqué par un immeuble provient à titre prépondérant de causes qui lui sont propres ; que toutefois, en présence d’une situation d’extrême urgence créant un péril particulièrement grave et imminent, le maire peut, quelle que soit la cause du danger, faire légalement usage de ses pouvoirs de police générale, et notamment prescrire l’exécution des mesures de sécurité qui sont nécessaires et appropriées » (CE, 10 octobre 2005, n°259205).
Le Conseil d’État ne cesse de confirmer sa jurisprudence antérieure.
Le Maire peut agir sur le fondement de ses pouvoirs de police générale en cas de situation d’extrême urgence créant un péril particulièrement grave et imminent :
« 5. Les pouvoirs de police générale reconnus au maire par les dispositions citées au point 2 ci-dessus des articles L. 2212-2 et L. 2212-4 du code général des collectivités territoriales, qui s’exercent dans l’hypothèse où le danger menaçant un immeuble résulte d’une cause qui lui est extérieure, sont distincts des pouvoirs qui lui sont conférés dans le cadre des procédures de péril ou de péril imminent régies par les articles L. 511-1 à L. 511-4 du code de la construction et de l’habitation, auxquels renvoie l’article L. 2213-24 du code général des collectivités territoriales, qui doivent être mis en œuvre lorsque le danger provoqué par un immeuble provient à titre prépondérant de causes qui lui sont propres. Toutefois, en présence d’une situation d’extrême urgence créant un péril particulièrement grave et imminent, le maire ou, à Paris avant le 1er juillet 2017 le préfet de police, peut, quelle que soit la cause du danger, faire légalement usage de ses pouvoirs de police générale, et notamment prescrire l’exécution des mesures de sécurité qui sont nécessaires et appropriées, y compris la démolition de l’immeuble » (CE, 5 juin 2019, n° 417305).
En cas de risque avéré de chute d’un balcon ou d’un dispositif de sécurité comme un garde-corps, la condition de l’extrême urgence est, sans aucun doute, remplie.
Quelles mesures prendre ?
Dès lors que la commune et/ou le Maire ont connaissance d’un tel risque pour la sécurité des habitants et des passants, il revient au maire d’agir dans les plus brefs délais.
En vertu de ses pouvoirs de police, le Maire peut, par conséquent, eu égard à l’urgence de la situation et au risque particulièrement grave et imminent, interdire, provisoirement, l’accès aux balcons, par arrêté.
On peut également envisager, toujours par arrêté, d’ordonner que l’accès au balcon soit condamné par l’installation de panneaux provisoires.
La jurisprudence administrative rappelle l’exigence de signalement de l’existence d’un danger excédant celui contre lequel les administrés doivent normalement se prémunir : « En vertu de ces dispositions, il incombe au maire de la commune d’assurer la sécurité des promeneurs et notamment de signaler les dangers qui excèdent ceux contre lesquels les intéressés doivent normalement se prémunir » (CAA Marseille, 18 octobre 2018, n° 17MA00828).
Il convient de veiller à la parfaite information des propriétaires et occupants de l’immeuble.
De même, la mise en place d’un périmètre de sécurité au pied des immeubles, empêchant toute circulation aux abords immédiats de l’immeuble concerné participera à cette mise en sécurité des lieux.
Déterminer une solution pérenne pour écarter tout risque d’effondrement du balcon
Une fois, les mesures urgentes édictées permettant de limiter tout risque immédiat, il convient d’élaborer une solution répertoire pérenne.
Pour préserver, à nouveau, la responsabilité de la commune, il est important d’initier, en parallèle, une procédure de péril imminent (article L.511-3 du code de la construction et de l’habitation).
L’intérêt de cette procédure réside dans le fait qu’un expert judiciaire indique dans un délai très court s’il existe un risque affectant la stabilité des éléments de l’immeuble concerné.
Par ailleurs, l’expert judiciaire identifiera les mesures d’urgence à mettre en œuvre par le propriétaire :
– pour mettre fin à l’imminence du péril ;
– pour mettre fin à tout péril.
Et, en cas de carence du propriétaire, il appartiendra à la commune d’agir aux frais du propriétaire.
Ne rien faire pour le maire en cas de risque d’effondrement d’un balcon : attention danger !
Le risque administratif
Le Conseil d’État considère que la responsabilité du maire est engagée pour faute simple en cas de carence dans l’exercice de ses pouvoirs de police. Il en va ainsi alors que le caractère dangereux de l’immeuble est connu du maire et qu’il s’abstient pendant plus de quatre ans de prendre les mesures utiles (CE, 27 septembre 2006, Commune de Baalon, n° 284022).
En l’espèce, la Commune a connaissance du risque, et de l’extrême urgence à agir.
Donc, nous conseillons de prendre immédiatement un arrêté interdisant l’accès au balcon et ordonnant, formellement, au propriétaire de condamner, provisoirement, l’accès au balcon, si une telle mesure est possible et de nature à mettre fin au risque résultant de l’absence de garde-corps empêchant les habitants de chuter dans le vide.
Le risque pénal
La responsabilité de l’élu résulte de la mise en danger délibérée de la personne d’autrui (article 121-3 du Code pénal).
Étant précisé qu’aux termes du premier alinéa de l’article L. 2123-34 du code général des collectivités territoriales :
« Sous réserve des dispositions du quatrième alinéa de l’article 121-3 du code pénal, le maire ou un élu municipal le suppléant ou ayant reçu une délégation ne peut être condamné sur le fondement du troisième alinéa de ce même article pour des faits non intentionnels commis dans l’exercice de ses fonctions que s’il est établi qu’il n’a pas accompli les diligences normales compte tenu de ses compétences, du pouvoir et des moyens dont il disposait ainsi que des difficultés propres aux missions que la loi lui confie »
Il ressort de la jurisprudence que le juge pénal apprécie l’engagement de la responsabilité pénale des élus au regard :
– soit d’une violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement ;
– soit d’une faute caractérisée qui exposerait autrui à un risque d’une particulière gravité ne pouvant être ignoré.
La jurisprudence retient une approche pragmatique afin de déterminer les diligences réalisées pour prévenir tout risque (en ce sens CCass., 28 juin 2016, n° 15-83862).
De manière globale, la juridiction administrative a pu identifier un manque de diligence, s’agissant du manquement lié à la signalisation des risques liés à l’existence d’un sol glissant (CAA Bordeaux, 28 septembre 2017, n° 15BX04189).
Ainsi, si le risque de chute d’un habitant est connu, la commune doit tout mettre en œuvre pour informer de l’existence d’un risque et assurer la mise en sécurité des lieux.Dans ces conditions, le risque pénal ne peut être complètement écarté, la responsabilité pénale étant mise en jeu lorsque les manquements sont d’une extrême gravité.