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Rejet illégal d’une offre comme anormalement basse : reprise de la procédure de passation au stade de l’examen des offres

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Rejet illégal d’une offre comme anormalement basse : reprise de la procédure de passation au stade de l’examen des offres

Le Conseil d’Etat vient récemment de préciser que si l’acheteur public a irrégulièrement rejeté une offre comme anormalement basse, commettant, ainsi, une erreur d’appréciation, le juge administratif est tenu d’annuler la procédure au stade de l’analyse des offres (CE, 2 mars 2020, n°458019).

L’acheteur public face à une offre qui paraît anormalement basse

Une offre anormalement basse est une offre dont le prix est manifestement sous-évalué et de nature à compromettre la bonne exécution du marché (article L. 2152-5 de code de la commande publique).

Face à une offre anormalement basse, le code de la commande publique organise une procédure stricte, comme nous l’exposons plus en détails dans notre article dédié à l’analyse de l’offre anormalement basse.

Sans nouveauté, il appartient à l’acheteur public de mettre en œuvre tous les moyens lui permettant de détecter les offres anormalement basses (L. 2152-6 du code de la commande publique).

L’acheteur public doit, ainsi, solliciter du candidat qu’il fournisse des précisions et justifications sur le montant de son offre (L. 2152-6 du code de la commande publique).

Après cette vérification, l’offre anormalement basse devra être rejetée par l’acheteur public (L. 2152-6 du code de la commande publique).

Le contrôle du juge administratif de la décision de rejet d’une offre comme anormalement basse

Le contrôle de l’erreur manifeste d’appréciation 

Le candidat dont son offre a été rejetée comme anormalement basse  est en droit de saisir le juge du référé précontractuel.

Saisi d’un moyen tiré de l’irrégularité du rejet d’une offre comme anormalement basse, le juge administratif exerce un contrôle limité à l’erreur manifeste d’appréciation de cette décision :

« Considérant qu’il résulte de l’instruction que la mission de maîtrise d’oeuvre objet du marché en cause, d’une durée de sept ans, porte sur la mise en accessibilité de 52 bâtiments dont 46 établissements d’enseignement secondaire et présente de ce fait un certain degré de complexité ; que l’offre de l’agence d’architecture Chamard Fraudet est largement inférieure à l’estimation du département du Gard, à la moyenne des offres des candidats, à celle du candidat retenu ainsi qu’au barème indicatif pour des missions de ce type proposé par la mission interministérielle pour la qualité des constructions publiques ; que pour justifier le prix proposé, l’agence d’architecture Chamard Fraudet se borne à mettre en avant sa longue expérience et le contexte économique difficile ; qu’il résulte de l’ensemble de ces éléments que le département du Gard n’a pas, en écartant l’offre de l’agence d’architecture Chamard Fraudet comme anormalement basse, commis une erreur manifeste d’appréciation ».

(CE, 29 octobre 2013, n° 371233).

Étant précisé que dans le cadre de son contrôle de l’offre anormalement basse, le juge opère un contrôle global :

« Il résulte de ces dispositions que l’existence d’un prix paraissant anormalement bas au sein de l’offre d’un candidat, pour l’une seulement des prestations faisant l’objet du marché, n’implique pas, à elle-seule, le rejet de son offre comme anormalement basse, y compris lorsque cette prestation fait l’objet d’un mode de rémunération différent ou d’une sous-pondération spécifique au sein du critère du prix. Le prix anormalement bas d’une offre s’apprécie en effet au regard de son prix global. Il s’ensuit que le juge des référés du tribunal administratif de Dijon a commis une erreur de droit en se fondant, pour juger que la communauté d’agglomération du Grand Sénonais n’avait pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en rejetant l’offre de la société Sepur comme anormalement basse, sur le seul motif que celle-ci proposait de ne pas facturer les prestations de collecte supplémentaire des ordures ménagères produites par certains gros producteurs ».

(CE,13 mars 2019, n° 425191).

L’offre irrégulièrement rejetée comme anormalement basse : annulation de la procédure de passation au stade de l’examen des offres 

Dans le cas où l’acheteur public a irrégulièrement rejeté une offre comme anormalement basse, commettant ainsi une erreur d’appréciation, le juge administratif est tenu d’annuler la procédure au stade de l’analyse des offres :

« Compte tenu du manquement ainsi relevé, qui se rapportait à la seule phase de sélection des offres par l’acheteur public, il appartenait au juge des référés de n’annuler la procédure qu’à compter de l’examen de ces offres. Par suite, le juge des référés a commis une erreur de droit en annulant l’ensemble de cette procédure et en enjoignant à Pôle Emploi, s’il entendait la poursuivre, de la reprendre dans son intégralité ».

(CE, 2 mars 2020, n°458019).

Cette solution confirme des jurisprudences de tribunaux administratifs, par exemple :

« Par suite, la société RMS est fondée à soutenir que c’est à tort que l’OPH d’Aubervilliers a rejeté son offre en raison de son caractère anormalement bas. Ce manquement aux obligations de mise en concurrence, qui se rapporte à la phase de sélection des offres, est, par suite, susceptible d’avoir lésé la société requérante. Dès lors, et sans qu’il soit besoin de statuer sur l’autre branche du moyen, il y a lieu d’annuler la procédure litigieuse de passation du marché au stade de l’examen des offres ». 

(TA Montreuil, 12 août 2019, n° 1907713).

En tout état de cause, cette jurisprudence du Conseil d’Etat écarte tout doute quant au stade auquel la procédure doit être reprise. 

En pareil cas, la procédure ne doit être annulée qu’à compter de l’examen des offres. Tout autre solution reviendrait pour le juge administratif de commettre une erreur de droit.

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