Le mandat municipal est loin d’être un long fleuve tranquille et connaît souvent quelques vicissitudes, entraînant parfois la démission d’un élu. Viennent également les tristes cas de décès d’un élu ou encore du maire.
Ces évènements qui frappent l’assemblée délibérante se répercutent sur le fonctionnement des commissions municipales, notamment la commission d’appel d’offres.
Dès lors, il faut nous interroger sur les règles relatives à la modification de la composition de la commission d’appel d’offres.
La commission d’appel d’offres
Pour rappel synthétique, la commission d’appel d’offres joue un rôle crucial tant dans les procédures de passation des concessions de service public que des marchés publics passés selon une procédure formalisée (articles L. 1411-5 et 1414-2 du code général des collectivités territoriales).
La composition de la commission d’appel d’offres
La commission d’appel d’offres est composée selon les modalités fixées aux termes de l’article L. 1411-5 du Code général des collectivités territoriales :
« I.-Une commission analyse les dossiers de candidature et dresse la liste des candidats admis à présenter une offre après examen de leurs garanties professionnelles et financières, de leur respect de l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés prévue aux articles L. 5212-1 à L. 5212-4 du code du travail et de leur aptitude à assurer la continuité du service public et l’égalité des usagers devant le service public.
Au vu de l’avis de la commission, l’autorité habilitée à signer la convention de délégation de service public peut organiser librement une négociation avec un ou plusieurs soumissionnaires dans les conditions prévues par l’article L. 3124-1 du code de la commande publique. Elle saisit l’assemblée délibérante du choix de l’entreprise auquel elle a procédé. Elle lui transmet le rapport de la commission présentant notamment la liste des entreprises admises à présenter une offre et l’analyse des propositions de celles-ci, ainsi que les motifs du choix de la candidate et l’économie générale du contrat.
II.-La commission est composée :
a) Lorsqu’il s’agit d’une région, de la collectivité territoriale de Corse, d’un département, d’une commune de 3 500 habitants et plus et d’un établissement public, par l’autorité habilitée à signer la convention de délégation de service public ou son représentant, président, et par cinq membres de l’assemblée délibérante élus en son sein à la représentation proportionnelle au plus fort reste ;
b) Lorsqu’il s’agit d’une commune de moins de 3 500 habitants, par le maire ou son représentant, président, et par trois membres du conseil municipal élus par le conseil à la représentation proportionnelle au plus fort reste.
[…] ».
(article L. 1411-5 du Code général des collectivités territoriales).
Des suppléants en nombre égal à celui de membres titulaires sont élus selon les mêmes modalités (L. 1411-5 du code général des collectivités territoriales).
Ainsi, au sein de la commission d’appel d’offres, il y a autant de membres titulaires que de membres suppléants.
Ultime précision importante : dans les communes de plus de 1 000 habitants, la composition des différentes commissions, y compris les commissions d’appel d’offres et les bureaux d’adjudications, doit respecter le principe de la représentation proportionnelle pour permettre l’expression pluraliste des élus au sein de l’assemblée communale (article L. 2121-22 du CGCT).
Voici donc le contexte légal de la commission d’appel d’offres.
Et la mise en œuvre de ces différentes dispositions permet de dégager les règles applicables à la modification de la composition de la commission d’appel d’offres.
La modification de la composition de la commission d’appel d’offres : comment faire ?
Le remplacement du membre démissionnaire ou définitivement empêché de siéger par son suppléant
Règle logique !
Dans la mesure où sont élus autant de titulaires que de suppléants, si un titulaire ne peut plus siéger dans la commission d’appel d’offres, il doit être remplacé par son suppléant :
« Considérant qu’il résulte de ces dispositions qu’une commune n’est tenue de procéder au renouvellement intégral de la commission d’appel d’offres que dans l’hypothèse où une liste de candidats ayant obtenu des sièges au sein de la commission et devant pourvoir au remplacement d’un membre titulaire définitivement empêché se trouve effectivement, du fait de l’inexistence de membres suppléants, dans l’impossibilité de pourvoir au remplacement d’un membre titulaire ; qu’en revanche, la démission d’un membre suppléant, alors même que la liste sur laquelle il a été élu ne comprendrait plus d’autres membres du conseil municipal suppléants susceptibles de le remplacer, n’entraîne pas de renouvellement intégral de la commission, dès lors que le membre titulaire conserve son siège » .
(CE, 30 mars 2007, Commune de Cilaos, n°298103)
Par conséquent, comme le souligne le Conseil d’État, en pareille situation :
- – le suppléant remplace automatiquement le titulaire démissionnaire ;
- – aucun renouvellement intégral de la commission d’appel d’offres n’est nécessaire.
De même, dans le cas où c’est un suppléant qui démissionne, il n’est pas nécessaire de renouveler l’intégralité de la commission d’appel d’offres tant que le titulaire occupe toujours son siège et alors même qu’aucun autre suppléant ne pourrait le remplacer.
Bien sûr, le Conseil d’État juge également que la commission doit être renouvelée si, du fait de l’absence de membre suppléants, il est impossible de remplacer un membre titulaire.
Le remplacement d’un membre de la commission d’appel d’offres dans l’intérêt de la bonne administration des affaires de la commune
Le Conseil d’État reconnaît, au Conseil municipal, la possibilité de procéder au remplacement d’un membre de la commission d’appel d’offres dans le cas où la bonne administration des affaires de la commune le justifierait :
« il est loisible au conseil, pour des motifs tirés de la bonne administration des affaires de la commune, de décider, sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, leur remplacement au sein de ces commissions ; » .
(CE, 20 novembre 2013, Commune de Savigny sur Orge, n°353890).
Un tel pouvoir est exercé sous le contrôle du juge administratif.
Et la jurisprudence administrative met en exergue un contrôle pragmatique du juge qui apprécie la réalité du motif tiré de l’intérêt de la bonne administration des affaires de la commune :
« Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que le remplacement de M. X par M. Y au sein de la commission des finances est uniquement motivé par la circonstance que M. Y était tête de la liste minoritaire aux élections municipales de 2014, que M. X se trouvait seulement en troisième position sur cette liste et que la participation de M. Y au sein de la commission des finances permettait le respect de la représentation démocratique ; que le requérant soutient sans être contesté qu’il a participé à l’unique réunion de la commission des finances qui s’est tenue alors qu’il en était membre et que cette participation n’a pas donné lieu à des troubles ou à des dissensions ; qu’il ne ressort pas des pièces du dossier que M. Y était davantage qualifié que M. X pour siéger au sein de cette commission ; que, dans ces conditions, le motif du remplacement de M. X par M. Y au sein de la commission des finances de Beaumont-du-Gâtinais doit être regardé comme étranger à la bonne administration des affaires de la commune ; que, par suite, M. X est fondé à soutenir que la délibération précitée du 26 novembre 2014 est entachée d’une erreur d’appréciation » .
(TA Melun, 18 mars 2016, n° 1410275).
Il est, ainsi, contrôlé, par exemple :
- – la place des élus dans les listes ;
- – la compétence des élus en rapport avec l’objet de la commission.
Le renouvellement intégral de la commission d’appel d’offres
Premièrement, il se déduit de l’arrêt du Conseil d’État « Commune de Cilaos », que le renouvellement intégral de la commission d’appel d’offres est inéluctable lorsqu’un membre titulaire ne peut être remplacé (CE, 30 mars 2007, Commune de Cilaos, n°298103).
Secondement, le Conseil d’État déduit des dispositions du code général des collectivités territoriales que le remplacement de la commission d’appel d’offres peut s’imposer, si la composition de la commission ne permet plus de garantir l’expression pluraliste des élus lorsqu’il juge :
« 3. Considérant que, si les conseillers municipaux désignés par le conseil municipal pour siéger dans les commissions constituées sur le fondement de ces dispositions ont vocation, tant qu’elles n’ont pas été supprimées s’agissant de celles mentionnées à l’article L. 2121-22 du code général des collectivités territoriales, à en demeurer membres s’ils n’en ont pas démissionné, il est loisible au conseil, pour des motifs tirés de la bonne administration des affaires de la commune, de décider, sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, leur remplacement au sein de ces commissions ; que le conseil municipal a, par ailleurs, l’obligation de procéder à un tel remplacement lorsque la composition d’une commission n’assure plus le respect du principe de la représentation proportionnelle des différentes tendances en son sein ; » .
(CE, 20 novembre 2013, Commune de Savigny sur Orge, n°353890).
Dans le même sens, le Tribunal administratif de Versailles a ainsi jugé :
« 3. Considérant qu’il résulte de ces dispositions qu’une commune n’est tenue de procéder au renouvellement intégral de la commission d’appel d’offres que dans l’hypothèse où une liste de candidats ayant obtenu des sièges au sein de la commission et devant pourvoir au remplacement d’un membre titulaire définitivement empêché se trouve effectivement, du fait de l’inexistence de membres suppléants, dans l’impossibilité de pourvoir au remplacement d’un membre titulaire ; qu’en revanche, la démission d’un membre suppléant, alors même que la liste sur laquelle il a été élu ne comprendrait plus d’autres membres du conseil municipal suppléants susceptibles de le remplacer, n’entraîne pas de renouvellement intégral de la commission, dès lorsque le membre titulaire conserve son siège ; » .
(TA Versailles, 19 décembre 2014, Préfet de l’Essonne, n°1407642).
La matérialisation de la modification de la composition de la commission d’appel d’offres
Premièrement, le Conseil municipal devra délibérer dans les hypothèses où un remplacement intégral de la commission d’appel d’offres est nécessaire ou encore pour une bonne administration des affaires de la commune, pour procéder au remplacement d’un membre de la commission.
Secondement, dès lors qu’il n’y a pas lieu à procéder à une nouvelle élection, aucun texte n’impose de formalité de vote ou encore d’information du Conseil municipal.
Le remplacement du membre titulaire par son suppléant est automatique.
En pratique, il suffira simplement de mentionner, sur le prochain procès-verbal de la commission, le remplacement opéré.