Par un arrêt du 3 mai 2022 (n° 459678), le Conseil d’État apporte quelques éléments intéressants sur la méthode d’évaluation des offres dans le cadre de la procédure de passation des contrats de concession.
D’ores et déjà, rappelons que le contrat de concession est
« un contrat par lequel une ou plusieurs autorités concédantes soumises au présent code confient l’exécution de travaux ou la gestion d’un service à un ou plusieurs opérateurs économiques, à qui est transféré un risque lié à l’exploitation de l’ouvrage ou du service, en contrepartie soit du droit d’exploiter l’ouvrage ou le service qui fait l’objet du contrat, soit de ce droit assorti d’un prix ».
(article L. 1121-1 du code de la commande publique)
Le principe : la liberté de l’autorité concédante pour fixer la méthode d’évaluation des offres
Selon le Conseil d’État, la liberté de l’acheteur public dans la fixation de la méthode d’évaluation des offres résulte des dispositions des articles L. 3124-5, R. 3124-5 et R. 3124-6 du code de la commande publique.
Cette liberté n’est pas nouvelle, puisque déjà consacrée s’agissant de la procédure de passation des marchés publics (voir en ce sens notre article ici sur « La méthode de notation des critères d’attribution d’un marché public : une liberté encadrée« ) :
« Considérant, en premier lieu, que le pouvoir adjudicateur définit librement la méthode de notation pour la mise en œuvre de chacun des critères de sélection des offres qu’il a définis et rendus publics ».
(en ce sens CE, 3 novembre 2014, Commune de Belleville-sur-Loire, n° 373362)
Il s’agit, donc, ici pour le Conseil d’État d’appliquer et de transposer cette liberté au cas des contrats de concession.
Portée de la liberté de fixation des modalités d’évaluation des offres
Au regard de cette liberté, l’autorité concédante peut déterminer :
- – les éléments d’appréciation pris en compte pour son évaluation des offres ;
- – les modalité de combinaison de ces éléments d’appréciation.
Cette liberté ainsi rappelée par le Conseil d’État n’est pour autant pas absolue.
L’encadrement de la liberté de l’autorité concédante pour fixer les modalités d’évaluation des offres
Une méthode d’évaluation est :
« entachée d’irrégularité si, en méconnaissance des principes fondamentaux d’égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, les éléments d’appréciation pris en compte pour évaluer les offres au titre de chaque critère d’attribution sont dépourvus de tout lien avec les critères dont ils permettent l’évaluation ou si les modalités d’évaluation des critères d’attribution par combinaison de ces éléments sont, par elles-mêmes, de nature à priver de leur portée ces critères ou à neutraliser leur hiérarchisation et sont, de ce fait, susceptibles de conduire, pour la mise en œuvre de chaque critère, à ce que la meilleure offre ne soit pas la mieux classée, ou, au regard de l’ensemble des critères, à ce que l’offre présentant le meilleur avantage économique global ne soit pas choisie ».
(CE, 3 mai 2022, n° 459678)
Ainsi, la méthode d’évaluation des offres mise en œuvre doit impérativement :
- – respecter les principes de la commande publique (égalité de traitement, transparence, etc…) ;
- – veiller à ce que les éléments d’appréciation soient en lien avec les critères ;
- – faire en sorte de ne pas priver de leur portée les critères ;
- – faire en sorte de ne pas neutraliser la hiérarchisation des critères établie ;
- – permettre de retenir l’offre présentant le meilleur avantage économique global.
Dans ce contexte jurisprudentiel, le juge administratif censure toute méthode de notation qui ne permettait pas d’attribuer la meilleure note à la meilleure offre.
Par exemple, au nom du principe de transparence, est prohibé le fait pour l’autorité concédante de modifier les modalités de mise en œuvre des critères de sélection des offres après le dépôt des offres (CE, 30 juillet 2014, n° 369044).
Dès lors, au regard de ce considérant pédagogique, il appartenait au Conseil d’État de vérifier, en l’espèce, si la méthode de d’évaluation des offres choisisepar l’autorité concédante respectait ces principes.
Analyse du Conseil d’État : la méthode d’évaluation est régulière
En l’espèce, le Conseil d’État censure le jugement du Tribunal administratif de Toulon au motif que, pour conclure à l’irrégularité de la méthode d’évaluation, le tribunal de première instance n’avait pas recherché si la méthode d’évaluation mise en œuvre n’était pas, par elle-même, de nature à priver de leur portée les critères ou à neutraliser la hiérarchisation qu’avait retenue l’autorité concédante.
Jugeant l’affaire au fond, le Conseil d’État a considéré, au contraire, que la méthode d’évaluation mise en œuvre par l’autorité concédante permettait d’associer à chacun des critères hiérarchisés fixés et rendus publics une appréciation qualitative des offres.
Cette appréciation présentait la particularité d’être composée :
- – d’une évaluation littérale décrivant les qualités des offres pour chaque critère ;
- – d’une flèche résumant cette évaluation de couleur verte orientée vers le haut pour la meilleure appréciation, rouge vers le bas pour la moins bonne et orange orientée en haut à droite ou en bas à droite pour deux évaluations intermédiaires.
Au regard de ces éléments, l’autorité concédante a pu classer les différentes offres au regard de l’appréciation portée sur chacun des critères.
Au terme de cette analyse, le Conseil d’État considère que cette méthode d’évaluation des offres matérialisée en partie par des flèches de couleurs :
« permet de comparer et de classer tant les évaluations portées sur une même offre au titre de chaque critère que les différentes offres entre elles, n’est pas de nature à priver de leur portée ces critères ou à neutraliser leur hiérarchisation ».
(CE, 3 mai 2022, n° 459678)
Il en est, donc, logiquement déduit que cette méthode d’évaluation n’est pas irrégulière.
Le Conseil d’État valide, ainsi, le recours à des flèches de couleurs pour évaluer les offres…
… sous réserve, de la présence d’une évaluation littérale décrivant les qualités des offres pour chaque critère.