Avant toute chose, attention : lors du jugement des offres pour l’attribution d’un marché public, il ne faut pas confondre méthode de notation d’une offre et critères de sélection d’une offre. Si les critères de sélection doivent être portés à la connaissance des candidats au nom des principes de la commande publique, il n’en est rien s’agissant de la méthode de notation. Il n’en demeure pas moins que, s’agissant de la méthode de notation, la liberté de l’acheteur public est encadrée.
Pour autant, le lien entre méthode de notation et critères de sélection est fort puisque le marché public doit être attribué à l’opérateur économique qui a présenté l’offre économiquement la plus avantageuse sur la base d’un ou plusieurs critères objectifs, précis et liés à l’objet du marché ou à ses conditions d’exécution (article L. 2152-7 du code de la commande publique).
Petit rappel sur les critères de d’attribution d’un marché public
L’article L. 2152-8 du code de la commande publique rappelle que les critères d’attribution ne peuvent pas conférer une liberté de choix illimitée à l’acheteur et garantissent la possibilité d’une véritable concurrence.
L’acheteur public dispose d’une certaine marge de manœuvre pour les fixer.
Le code de la commande publique impose seulement le recours à un ou plusieurs critères objectifs, précis et liés à l’objet du marché ou à ses conditions d’exécution (article L. 2152-7 du code de la commande publique).
A cet égard, l’article R. 2152-7 du code de la commande publique propose, à titre d’exemple, une liste non exhaustive de critères susceptibles d’être employés.
Les critères doivent être annoncés dans les documents de la consultation (articles R. 2152-11 et R. 2152-12 du code de la commande publique).
Les critères ou sous-critères doivent être assez précis (CE, 15 décembre 2008, Communauté Urbaine de Dunkerque, req. n°310380 ; CE, 28 avril 2006, Commune de Toulouse, req. n° 280197).
Le pouvoir adjudicateur doit, également, préciser leur pondération et hiérarchisation (CE 18 juin 2010, Commune de Saint-Pal-de-Mons, req. n°337377 ou encore CE, 20 novembre 2020 n° 427761).
La méthode de notation des critères d’attribution d’un marché public est libre
La jurisprudence rappelle très régulièrement la liberté de l’acheter public pour fixer la méthode de notation. Cependant cette liberté n’est pas totale.
La jurisprudence encadre l’acheteur public dans le but, évidemment, de préserver la libre concurrence et les principes de la commande publique.
La méthode de notation est liée aux critères d’attribution retenus
La méthode de notation choisie par l’acheteur public doit permettre de dégager l’offre économiquement la plus avantageuse au regard de l’ensemble des critères et sous-critères (CE, 20 novembre 2020 n° 427761).
La méthode de notation doit mettre en évidence la meilleure offre.
La méthode de notation ne doit pas priver de leur portée les critères ou en neutraliser leur pondération
La méthode de notation ne doit jamais avoir pour conséquence de priver de leur portée les critères de sélection ou de neutraliser leur pondération (CE, 3 novembre 2014, Commune Belleville-sur-Loire, n° 373362).
C’est notamment le cas lorsque la méthode de notation employée conduit à attribuer des notes négatives à certains candidats (CE 18 décembre 2012, n° 362532, Département de la Guadeloupe).
De même, est censurée :
– la méthode de notation du prix retenu en présence de deux candidats qui revient tout simplement à attribuer la note maximale au candidat proposant le meilleur prix et la note de zéro au second candidat. Une telle méthode a pour effet de neutraliser la pondération des critères (CAA Paris, 8 février 2016, req. 15PA002953) ;
– la méthode de notation du prix neutralisant les écarts entre les prix de sorte que les offres ne pouvaient être différenciées qu’au regard des autres critères de sélection et qu’elle était ainsi susceptible de conduire à ce que l’offre économiquement la plus avantageuse ne soit pas choisie (CE, 3 novembre 2014, Commune Belleville-sur-Loire, n° 373362) ;
– le méthode de notation du critère du prix ne permettant pas d’attribuer la meilleure note au candidat ayant proposé le prix le plus bas (CE, 29 octobre 2013, 370789).
Le juge administratif veille à ce que la méthode de notation mise en œuvre ne fausse pas la concurrence.
La méthode de notation du critère technique également contrôlée
Dans le cadre du référé précontractuel, le juge administratif ne peut pas apprécier les mérites respectifs des offres. Donc il se concentre, le plus souvent, sur la méthode de notation du critère prix.
Le juge s’assure que les offres ne soient pas dénaturées (Conseil d’Etat, 9 juin 2020, Société Les Voiliers, n°436922).
Mais il peut lui arriver également de vérifier que la méthode de notation du critère valeur technique
Comme pour la méthode de notation du prix, le juge administratif va vérifier que la méthode de notation de la valeur technique n’est pas « de nature à priver de leur portée les critères de sélection ou à neutraliser leur pondération » (CE, 3 novembre 2014, Commune de Belleville-sur-Loire, n°373362).
Ainsi, par exemple, une méthode de notation qui conduit à attribuer automatiquement une note de 10 à l’offre la mieux classée et une note qui ne peut être inférieure à 9 au candidat moins bon techniquement que le premier est illégale.
Du fait de l’échelle restreinte de notation, le critère de la valeur technique est, en ce cas, privé de l’essentiel de sa portée.
La méthode de notation ne permet alors pas de refléter les différences qualitatives réelles pouvant exister entre les différentes offres et fausse la pondération des critères, en neutralisant le critère de la valeur technique pour le candidat le moins bien classé sur ce critère.
Cette méthode peut donc aboutir à ce que l’offre retenue ne soit pas celle qui est économiquement la plus avantageuse indépendamment de toute appréciation des mérites des offres. Elle est censurée par le juge administratif (TA Rennes, 16 janvier 2019, Société SEAOWL France, n°1806065).
Attention donc à bien méditer les critères de choix et la méthode de notation.
Il faut toujours se demander, notamment, si on saura appliquer les critères, s’ils reflètent les besoins exprimés (permettront-ils de sélectionner l’offre la plus adaptée à mes besoins ?) et une méthode de notation qu’on comprend, non discriminatoire, et qui n’aboutit pas à priver de portée un critère.Bref, un petit coup d’œil de votre avocat expert en marchés et contrats publics avant publication ne peut pas faire de mal !