La réglementation des émergences sonores générées par les circuits de courses résulte désormais d’un triple régime.
Une règlementation spéciale des émergences sonores liées au fonctionnement d’un circuit de courses
Les règles de lutte contre les émergences sonores édictées par les fédérations
L’article R. 331-19 du code du sport dispose :
« Dans les disciplines pour lesquelles elles ont obtenu délégation, les fédérations sportives mentionnées à l’article L. 131-16 édictent les règles techniques et de sécurité applicables aux événements et aux sites de pratique mentionnés à l’article R. 331-18 ».
ll était acquis que les fédérations sportives délégataires disposaient d’un monopole pour édicter les règles générales relatives aux émergences sonores émises par les véhicules terrestres à moteur participant à des manifestations et concentrations organisées dans des lieux non ouverts à la circulation publique (CE, 11 janvier 2008, France Nature Environnement, n° 303726).
Et, le cas échéant, il appartient au ministre de l’intérieur ou au préfet, lors de la procédure d’homologation des circuits de vitesse et d’autorisation des concentrations et manifestations, de définir les conditions d’exercice spécifiques relatives au bruit de ces manifestations (CE 26 juillet 2011, Isaffo, n° 340806).
L’autorité administrative est tout à fait en mesure de se référer, dans l’arrêté d’homologation du circuit, aux règles fédérales (CE, 26 juillet 2011, Ostmann, n°340579).
Ainsi, outre la règlementation édictée par la fédération française des sports automobiles ou de motocyclisme, tout circuit accueillant des activités de sports automobile doit faire l’objet d’une homologation.
La nécessité d’un arrêté d’homologation pour permettre le fonctionnement du circuit de courses
L’exigence de l’arrêté d’homologation résulte des dispositions de l’article R. 331-35 du code du sport :
« Tout circuit sur lequel se déroulent des activités comportant la participation de véhicules terrestres à moteur doit faire l’objet d’une homologation préalable ».
Toute manifestation, au sens des articles R. 331-18 et suivants du code du sport, qui se déroule sur un circuit ne peut être autorisée que si le circuit a été préalablement homologué.
Si l’arrêté d’homologation peut simplement rappeler les règles fédérales (CE, 26 juillet 2011, Ostmann, n°340579), il est souvent utilisé pour définir des conditions d’utilisation particulières du circuit afin de limiter les nuisances potentielles.
Au nombre de ces mesures, on retrouve, par exemple :
– une limitation des horaires et des jours d’ouverture du circuit ;
– l’interdiction d’une pratique sportive particulière, en raison des nuisances spécifiques causées, comme le « drift » ;
– la construction de dispositifs anti-bruit ;
– la réalisation d’études acoustiques.
– limitation du niveau sonore des véhicules autorisés à circuler sur le circuit de courses.
Les règles fédérales couplées aux arrêtés d’homologations des circuits permettent de réduire les nuisances sonores causées par le fonctionnement normal d’un circuit.
Le décret bruit : quelle place dans la réglementation des émergences sonores d’un circuit de courses ?
L’intervention du décret n° 2017-1244 du 7 août 2017 a rebattu les cartes de la réglementions des circuits. D’une part, la réglementation applicable aux activités qui ne bénéficiaient d’aucune réglementation est étendue..D’autre part, il a renforcé celle existante.
C’est dans des termes très généraux que le décret précise « Aucun bruit particulier ne doit, par sa durée, sa répétition ou son intensité, porter atteinte à la tranquillité du voisinage ou à la santé de l’homme, dans un lieu public ou privé, qu’une personne en soit elle-même à l’origine ou que ce soit par l’intermédiaire d’une personne, d’une chose dont elle a la garde ou d’un animal placé sous sa responsabilité » (R. 1336-5 du code de la santé publique).
Et, les articles R. 1336-6 et 7 du code la santé publique précisent, dans un but de santé et de tranquillité publiques, des valeurs limites à respecter en toute hypothèse en matière de bruit de voisinage. Ces valeurs doivent notamment être respectées par des activités sportives (en ce sens : CE 26 juillet 2011, Isaffo, n° 340806; CE 11 février 2021, association des riverains du circuit de Lédenon, n°432064 ou encore CE, 21 avril 2021, Commune de Sequestre, n° 436282).
Autrement dit, il résulte de la jurisprudence du Conseil d’État que les articles R. 1336-6 et suivants du code de la publique constituent un cadre général qui s’applique à toutes les activités susceptibles de générer du bruit.
Partant, s’il existe une règlementation spéciale quant aux bruits émis par un certain type d’activité, comme c’est le cas pour les circuits de courses de véhicules motorisés, l’exploitant doit, non seulement, se conformer à cette réglementation spéciale mais, également, veiller au respect des valeurs limites d’émergence fixées aux articles R. 1336-7 et R. 1336-8 du code de la santé publique.
Trois régimes cumulatifs de lutte contre les émergences sonores liées au fonctionnement d’un circuit de courses : quelles conséquences pratiques ?
Après quelques hésitations, il est désormais admis que les trois régimes sont cumulatifs (CE 26 juillet 2011, Isaffo, n° 340806; CE 11 février 2021, association des riverains du circuit de Lédenon, n°432064 ou encore CE, 21 avril 2021, Commune de Sequestre, n° 436282).
Trois régimes de lutte contre les émergences sonores cumulatifs
Les circuits de courses organisant des manifestations doivent :
1° bénéficier d’un arrêté d’homologation qui peut fixer non des limites sonores, mais des dispositifs de nature à limiter les nuisances (exemple : mur anti-bruit, etc … ),
2° respecter les limites sonores émises par les fédérations qui concernent les émissions sonores des véhicules en eux-mêmes, mais sans considération de l’environnement sonore,
3° respecter les limites d’émergences fixées par le code de la santé publique. Étant entendu que l’inobservation de ces dernières dispositions est susceptible de conduire l’autorité administrative compétente à prendre, en vertu de l’article R. 1336-11 du même code, une ou plusieurs des mesures prévues à l’article L. 171-8 du code de l’environnement.
En ce sens, les dispositions de l’arrêté d’homologation ne doivent pas placer le circuit en situation de violation structurelle du code de la santé publique (CE 26 juillet 2011, Isaffo, n° 340806; CE 11 février 2021, association des riverains du circuit de Lédenon, n°432064 ou encore CE, 21 avril 2021, Commune de Sequestre, n° 436282).
Dans ses conclusions sous l’arrêt Commune du Séquestre, précité, le rapporteur public Monsieur Guillaume Odinet rappelait aux juges du Palais Royal : « vous devez uniquement vérifier que l’arrêté n’a pas homologué un circuit qui ne pourrait jamais être exploité dans le respect du code de la santé publique et conduirait ainsi, de façon structurelle, à sa violation ».
Dès lors, il en est déduit qu’il n’est pas possible de se contenter de se prévaloir de dépassements d’émergences au titre du code de la santé publique pour contester l’arrêté d’homologation. Le Préfet ou le Ministre ne peuvent que fonder leurs prescriptions sur un risque structurel du fait de l’exploitation du circuit, en matière de tranquillité publique.
Il aurait difficilement pu en aller autrement car, en recherchant un critère plus rigoureux pour l’exploitant, le juge administratif aurait été conduit à statuer sur l’existence avérée ou non de nuisances propres au circuit, alors même que la voie pénale offre de nombreux recours suspensifs qui limitent la possibilité d’une appréciation simultanée à l’examen de l’arrêté d’homologation.
Une incertitude juridique perdure, et pas des moindre, à savoir la signification de la nuisance structurelle
A ce jour, aucun cas jugé par la juridiction administrative n’identifie une telle situation de violation structurelle du code de la santé publique.
Mais, la raison de ce choix jurisprudentielle ne repose-t-elle pas sur le fait que, quoiqu’il en soit, les batteries de sanctions attachées au décret bruit, aujourd’hui codifié au sein du code de la santé publique, devraient servir de garde-fou et suffire à limiter « de fait » les activités autorisées par l’arrêté d’homologation ?
Et plus encore, nous pouvons nous interroger sur la pertinence du maintien des trois régimes de réglementation des émergences sonores s’agissant de circuits de courses. Dans la mesure où le code de la santé publique s’impose à l’exploitant, au-delà des règles des fédérations et des règles de l’arrêté d’homologation, la règlementation des émergences sonores devrait se limiter aux règles tirées du décret bruit.
Ne serait-ce, donc, pas l’occasion de refonder et fusionner toutes ces règles en un seul régime, qui tienne compte aussi bien des nécessités économiques que de la tranquillité publique ?
A suivre …