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Que faire contre le dépôt sauvage de déchets ?

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dépôt sauvage de déchets

Car ils sont générateurs de risques (sécurité, salubrité …), la répression des dépôts sauvages de déchets, plus globalement, la lutte contre de tels dépôts sauvages, sont des sujets hautement d’actualité. D’autant plus avec l’entrée en vigueur prochaine des nouvelles dispositions de l’article L. 5211-9-2 du code général des collectivités territoriales conférant, sous réserve du transfert effectif, le pouvoir de police spécial en matière de déchets aux Présidents d’établissements publics de coopération intercommunale.

Que faire, donc, en présence de tels dépôts sauvages de déchets ? Comment agir ?

Le recours au pouvoir de police générale contre le dépôt sauvage de déchets si et seulement si l’urgence de la situation est caractérisée

Aux termes de l’article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales « la police municipale a pour objet d’assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques ». Et, la jurisprudence administrative admet, sur le fondement des pouvoirs de police générale, l’intervention du maire mais exclusivement dans le cas où la situation est urgente (CAA Bordeaux, 16 janvier 2014, Commune d’Ambès, n° 13BX00105).

Attention donc : le recours au pouvoir de police générale pour gérer le dépôt sauvage de déchets nécessite de motiver précisément la mesure de police afin de justifier l’urgence.

Une telle urgence est, par exemple, susceptible d’être caractérisée en cas de risque imminent et avéré de pollution, ou encore d’incendie.

La piste tirée de l’article L.2213-25 du CGCT en fonction de la localisation du dépôt sauvage de déchets

L’article L.2213-25 du CGCT dispose que : 

« Faute pour le propriétaire ou ses ayants droit d’entretenir un terrain non bâti situé à l’intérieur d’une zone d’habitation ou à une distance maximum de 50 mètres des habitations, dépendances, chantiers, ateliers ou usines lui appartenant, le maire peut, pour des motifs d’environnement, lui notifier par arrêté l’obligation d’exécuter, à ses frais, les travaux de remise en état de ce terrain après mise en demeure.

Si, au jour indiqué par l’arrêté de mise en demeure, les travaux de remise en état du terrain prescrits n’ont pas été effectués, le maire peut faire procéder d’office à leur exécution aux frais du propriétaire ou de ses ayants droit.

Si le propriétaire ou, en cas d’indivision, un ou plusieurs des indivisaires n’ont pu être identifiés, la notification les concernant est valablement faite à la mairie.

Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du présent article. »

Il a, ainsi, été rappelé, dans une réponse ministérielle, que : 

« Interpellé sur l’étendue des pouvoirs conférés au maire par l’article L. 2213-25 du Code général des collectivités territoriales, le ministre de l’intérieur a rappelé qu’en application des articles L. 2212-1 et L. 2212-2 du Code général des collectivités territoriales, le maire est chargé de la police municipale qui a pour objet d’assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. De plus, l’article L. 2213-25 du même Code confère au maire un pouvoir de police spéciale l’autorisant à mettre les propriétaires en demeure d’entretenir des terrains non bâtis lorsque ceux-ci sont situés à l’intérieur d’une zone d’habitation ou à une distance maximum de 50 mètres de ces mêmes habitations et cela pour des motifs d’environnement. Cet article permet également au maire de faire procéder d’office aux travaux de remise en état aux frais du propriétaire qui ne les a pas effectués dans le délai prescrit par la mise en demeure. Cette disposition concerne donc les terrains situés au sein de la zone d’habitation du propriétaire ou à une distance maximum de 50 mètres de son habitation. Cet article s’applique donc aux terrains attenants à une habitation. Par ailleurs, elle ne s’applique pas exclusivement à la végétation et le juge administratif a été amené à définir les contours de l’expression « motifs d’environnement ». Il a ainsi été jugé qu’un terrain demeuré encombré de gravats, puis que l’accumulation au cours des années de divers détritus et déchets de chantiers, pouvaient être considérés comme un motif d’environnement (CAA Nancy, 11 février 2010, n° 09NC00279). » (JO Sénat, 2 mars 2017, p. 878. question n° 19303)

Dans ces conditions, le Maire peut, au titre de de ce pouvoir de police :

– mettre en demeure le propriétaire de remettre en état le terrain ;

– puis, le cas échéant, faire procéder d’office à cette remise en état. 

Il a, par ailleurs, été admis que ces dispositions s’appliquaient si :

« le jardin de la propriété est envahi par une végétation abondante et vigoureuse et que des engins de chantier inutilisés depuis de nombreuses années et détériorés y ont été abandonnés à la suite de l’arrêt des travaux de rénovation d’un immeuble ancien implanté sur l’une des parcelles » (CAA Nancy, 17 janvier 2008, SCI Bretons d’Amblans, n°06NC01005). 

L’article L. 2213-25 du CGCT est, donc, une voie permettant d’intervenir et de forcer le propriétaire à remettre en état sa parcelle, en éliminant les déchets.

La police spéciale des déchets prévue par le code de l’environnement : la voie de droit contre le dépôt sauvage de déchets

La police spéciale des déchets pour lutter contre les dépôts sauvages

L’article L.541-2 du Code de l’environnement dispose que :

« Tout producteur ou détenteur de déchets est tenu d’en assurer ou d’en faire assurer la gestion, conformément aux dispositions du présent chapitre.

Tout producteur ou détenteur de déchets est responsable de la gestion de ces déchets jusqu’à leur élimination ou valorisation finale, même lorsque le déchet est transféré à des fins de traitement à un tiers.

Tout producteur ou détenteur de déchets s’assure que la personne à qui il les remet est autorisée à les prendre en charge. »

Et, l’article L.541-3 du Code de l’environnement consacre le pouvoir de police spéciale du maire pour lutter contre les dépôts irréguliers de déchets.

En vertu de ce pouvoir de police, le maire peut notamment prendre les mesures suivantes : 

« I.- Lorsque des déchets sont abandonnés, déposés ou gérés contrairement aux prescriptions du présent chapitre et des règlements pris pour leur application, à l’exception des prescriptions prévues au I de l’article L. 541-21-2-3, l’autorité titulaire du pouvoir de police compétente avise le producteur ou détenteur de déchets des faits qui lui sont reprochés ainsi que des sanctions qu’il encourt et, après l’avoir informé de la possibilité de présenter ses observations, écrites ou orales, dans un délai de dix jours, le cas échéant assisté par un conseil ou représenté par un mandataire de son choix, peut lui ordonner le paiement d’une amende au plus égale à 15 000 € et le mettre en demeure d’effectuer les opérations nécessaires au respect de cette réglementation dans un délai déterminé ».

En d’autres termes, si le Maire constate le dépôt de déchets sur un terrain, il peut, après une procédure préalable contradictoire : 

– ordonner le paiement d’une amende et mettre en demeure de remettre en état le terrain ; 

– à défaut, faire procéder d’office aux mesures nécessaires au respect de la réglementation (Réponse du Ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales – Collectivités territoriales, publiée dans le JO Sénat du 12/12/2019 – page 6141). 

En cas d’urgence, l’autorité titulaire du pouvoir de police compétente fixe les mesures nécessaires pour prévenir les dangers graves et imminents pour la santé, la sécurité publique ou l’environnement (II de l’article L.541-3 du Code de l’environnement).

Dans tous les cas, il sera nécessaire de pouvoir démontrer que les matériaux déposés sont bien des déchets au sens du code de l’environnement. 

En effet, le juge administratif vérifie que les objets sont bien à l’abandon : 

« au vu de leur état fortement dégradé et de leur inutilisation depuis plusieurs années, il est manifeste qu’à la date de la décision attaquée, les tables et les pieux présents sur le site, qui constituent des objets au sens des dispositions, précitées de l’article L.541-1-1 du code de l’environnement, étaient laissés à l’abandon ; qu’il suit de là que le maire de la commune de Saint-Raphaël, en mettant en demeure l’intéressé de les enlever, n’a pas méconnu le champ d’application des dispositions précitées du code de l’environnement ni entaché sa décision de détournement de pouvoir » (TA Toulon, 23 octobre 2015, Commune de Saint Raphaël, n°1302159)

En revanche, s’il apparait que les matériaux sont utilisés, la décision sera annulée (TA Nancy, 17 novembre 2015, Commune de Géry, n°1401583). 

Cette voie peut, donc, être utilisée pour demander l’enlèvement des déchets sur un terrain.

Qui est titulaire de ce pouvoir de police spéciale ?

Ce pouvoir de police spéciale est entre les mains de « l’autorité titulaire du pouvoir de police compétente » (article L.541-3 du Code de l’environnement).

Autrement dit, il s’agit soit :

– aujourd’hui, exclusivement, du Maire (Réponse du Ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales publiée dans le JO Sénat du 28/02/2019 – page 1132)  ;

– demain, à compter du 1er janvier 2021, au président de l’établissement de coopération intercommunal compétent dans le cas où le pouvoir de police est transféré à ce dernier en application de l’article L. 5211-9-2 du code général des collectivités territoriales (loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire et Ordonnance n° 2020-1144 du 16 septembre 2020 relative à l’harmonisation et à la simplification des polices des immeubles, locaux et installations).

Ne rien faire contre le dépôt sauvage de déchets, c’est …

D’une part, le risque de voir la responsabilité de la commune engagée

Les enjeux sont d’autant plus cruciaux qu’en matière de dépôt sauvage, si le maire reste inactif il commet une faute de nature à engager la responsabilité de la commune (CE, 28 octobre 1977, Commune de Merfy, n° 95537 ou encore CE, 13 juillet 2007, Commune de Taverny, n° 293210). 

D’autre part, permettre à l’autorité préfectorale d’agir

En effet, en cas de carence de l’autorité municipale, il appartient au préfet, outre ses pouvoirs en matière d’installation classée pour la protection de l’environnement, d’agir sur le fondement des dispositions de l’article L. 541-3 du code de l’environnement (CE, 23 novembre 2011, n° 325334).

En tout état de cause, la lutte contre les dépôts sauvages de déchets, notamment par l’exercice du pouvoir de police spéciale de l’article L. 541-3 du code de l’environnement, reste sujet à des contraintes procédurales.

Même récemment allégées par la loi n° 2019-773 du 24 juillet 2019 portant création de l’Office français de la biodiversité, ces contraintes procédurales demeurent administrativement délicates à manier.

Attention donc à peser toutes les données avant d’agir (ou de ne pas agir !), tant en raison des risques liés à l’inaction face à de telles situations, que des subtilités liées au choix de la voie de droit et des contraintes  procédurales afférentes.

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