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Mise en œuvre de la garantie décennale après liquidation du titulaire de marché public

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Mise en oeuvre de la décennale d’un titulaire de marché public liquidé

Vous avez fait construire un ouvrage public. Cet ouvrage public subit des désordres de nature décennale. L’un des titulaires des marchés publics conclus pour la construction de votre ouvrage public a fait l’objet d’une liquidation judiciaire. Comment mettre en oeuvre la décennale du titulaire de marché public liquidé ?

Le stress monte lorsque vous vous constatez que ce titulaire de marché public était l’un des responsables majeurs des désordres frappant votre ouvrage public.

Comment faire ? Suivez le guide.

Le préalable indispensable : l’expertise judiciaire

Pourquoi une expertise judiciaire me direz-vous ?

Parce que sans expertise judiciaire, vous ne fournirez pas d’élément de preuve incontestable au magistrat qui sera saisi du litige. Vous courez donc le risque majeur d’engager un procès long et coûteux…pour rien.

L’expertise judiciaire vise à confier les investigations techniques à un expert judiciaire, en présence de toutes les parties concernées.

L’expert judiciaire  est nommé par le tribunal. Indépendant et impartial, il va rédiger la bible technique incontestable sur laquelle s’appuiera le juge : le rapport d’expertise.

Pour que le magistrat puisse efficacement mettre en jeu la responsabilité de chaque constructeur, mettre en jeu leur assurance, les conclusions d’un expert judiciaire lui sont, en pratique, indispensables.

Avant l’action directe contre l’assureur, la condamnation de l’entreprise liquidée devant le juge administratif

Vous avez mené votre expertise judiciaire.

Vous avez identifié des désordres de nature décennale, c’est-à-dire portant atteinte à la solidité ou la destination de l’ouvrage, et qui n’étaient pas visibles à la réception.

Vous êtes prêt à introduire un recours indemnitaire devant le tribunal administratif et découvrez…qu’une des entreprises responsables est liquidée.

L’action directe contre l’assureur

Vous vous rassurez immédiatement en vous rappelant que ce titulaire de marché public liquidé était assuré.

En effet, le fait que le titulaire de marché public ait été liquidé puis radié du registre du commerce et des sociétés ne fait pas obstacle à la demande dirigée contre elle, dès lors que la créance invoquée a pour origine l’activité sociale avant la dissolution et que la personnalité morale d’une société subsiste aussi longtemps que les droits et obligations à caractère social ne sont pas liquidés (CAA Nantes, 16 octobre 1997, 97NT00280, ou Cass. Com, 11 juillet 1998, 87-11.927).

L’article L. 124-3 du code des assurances dispose que :      
 
« Le tiers lésé dispose d’un droit d’action directe à l’encontre de l’assureur garantissant la responsabilité civile de la personne responsable ».

Sauf que, pour aller mener une action directe contre l’assureur, en l’absence de règlement amiable, il faut que la responsabilité de l’entreprise liquidée ait été préalablement établie par le juge compétent, qu’est le juge administratif.

Comment faire condamner une entreprise qui n’existe plus ?

La nomination d’un mandataire ad hoc

Et bien il faut obtenir la nomination d’un administrateur ad hoc, qui vient, le temps d’obtenir la condamnation de la société, représenter cette dernière après radiation

Le juge judiciaire a prévu cette situation en permettant d’obtenir la désignation d’un administrateur ad hoc ou mandataire ad hoc (terminologie variable selon les chambres de la Cour de Cassation et les juridictions…).

Quand on ne peut plus mettre en cause le liquidateur d’une société, qui a été radiée, il faut demander la nomination de cet administrateur ou mandataire ad hoc pour représenter le titulaire de marché public liquidé dans l’action en responsabilité engagée (Cass. Com, 11 juillet 1998, 87-11.927 toujours ou encore Cass. Civ., 3ème, 31 mai 2000, n98-19.435).

C’est le président du Tribunal de commerce qui doit être saisi sur requête. La procédure est rapide et efficace.

Une fois l’administrateur / mandataire ad hoc nommé, il représentera le titulaire de marché public liquidé et radié dans l’instance indemnitaire engagée devant le juge administratif, qui va pouvoir condamner l’entreprise responsable des désordres.

Ciel, ma déclaration de créance !

Vous avez mené votre expertise judiciaire, vous avez fait condamner l’entreprise responsable des désordres affectant votre ouvrage public par le tribunal administratif.

Et subitement une angoisse sourde vous saisit : vous avez omis de placer sous surveillance vos titulaires de marchés publics responsables des désordres affectant votre ouvrage public. Est-ce que vous pouvez obtenir un paiement de l’assureur ?

Le principe : les collectivités publiques doivent déclarer leur créance lorsqu’une entreprise est placée en redressement ou liquidation judiciaire

A partir de la publication du jugement d’ouverture de la procédure collectivité, tous les créanciers dont la créance est née antérieurement au jugement d’ouverture, à l’exception des salariés, adressent la déclaration de leurs créances au mandataire judiciaire (article L.622-24 du code de commerce).

Cette déclaration doit intervenir dans un délai de deux mois à compter de la publication du jugement d’ouverture de la procédure collective au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales (article R.622-24 du code de commerce).

A défaut de déclaration de créance, aucun espoir de récupérer les sommes dues par l’entreprise en procédure collective : le créancier n’est pas admis dans la répartition des sommes qui resteraient disponibles (article L.622-26 du code de commerce).

On pourrait donc légitimement se demander si l’absence de déclaration de créance ne peut pas être opposée par l’assureur décennale de l’entreprise liquidée pour refuser de payer la condamnation prononcée par le Tribunal administratif.

La Cour de Cassation a tranché ce point.

L’oubli de déclaration de créance n’empêche pas l’action directe contre l’assureur décennal

La Cour de Cassation tranche estime que l’absence de déclaration de créance dans le cadre de la procédure collective est sans incidence sur la recevabilité de l’action directe contre l’assureur (Cass. Com., 18 juin 2013, n° 12-19.709).

L’oubli de déclaration de créance n’empêche donc pas l’action directe contre l’assureur.

Attention aux chausse-trappes, aux oublis et raccourcis qui font en réalité perdre du temps ! Pour plus de conseils, n’hésitez pas à nous contacter !

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