La garantie de parfait achèvement, définie à l’article 1792-6 du code civil, est la garantie à laquelle est tenu l’entrepreneur pendant un délai d’un an, à compter de la réception des travaux.
Ce principe de la garantie de parfait achèvement est repris à l’article 44 du Cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux (CCAG travaux).
Dans le cadre de l’exécution des contrats publics, cette garantie contractuelle donne au maître de l’ouvrage la garantie de disposer d’un ouvrage conforme aux stipulations contractuelles.
Encore faut-il maîtriser les bons réflexes pour actionner cette garantie de parfait achèvement.
Quel constructeur peut voir sa responsabilité engagée au titre de la garantie de parfait achèvement ?
Seuls les titulaires des marchés de travaux relèvent du champ de la garantie de parfait achèvement.
Le cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés de prestations intellectuelles exclut de l’application du régime de la garantie de parfait achèvement les maître d’œuvres et contrôleurs techniques (article 28).
Quels désordres relèvent de la garantie de parfait achèvement ?
Aux termes de l’article 1792-6 du code civil, actionner la garantie de parfait achèvement implique la réparation de tous les désordres signalés par le maître de l’ouvrage, soit au moyen de réserves mentionnées au procès-verbal de réception, soit par voie de notification écrite pour ceux révélés postérieurement à la réception.
Les principes du code civil sont repris en matière de contrats publics.
Pendant le délai de la garantie de parfait achèvement, l’entrepreneur doit, conformément, aux dispositions de l’article 44-1 du CCAG travaux :
a) exécuter les travaux ou prestations éventuels de finition ou de reprise prévus ;
b) remédier à tous les désordres signalés par le maître de l’ouvrage ou le maître d’œuvre, de telle sorte que l’ouvrage soit conforme à l’état où il était lors de la réception ou après correction des imperfections constatées lors de celle-ci ;
c) procéder, le cas échéant, aux travaux confortatifs ou modificatifs, dont la nécessité serait apparue à l’issue des épreuves effectuées conformément aux stipulations prévues par les documents particuliers du marché ;
d) remettre au maître d’œuvre les plans des ouvrages conformes à l’exécution
En synthèse donc, en vertu de la garantie de parfait achèvement, pendant une durée d’un an à compter de la réception des travaux, le constructeur est tenu de remédier aux désordres ayant fait l’objet de désordres à la réception que ceux signalés dans ce délai afin de rendre l’ouvrage conforme aux prévisions du marché (CE, 17 mars 2004, n° 247367 ; CE, 29 septembre 2014, req. n° 370151 ou encore CAA Nancy, 10 mai 2016, n° 15NC00093).
A noter que face à tous les désordres et malfaçons, le maître d’ouvrage peut actionner la garantie de parfait achèvement. Leur nature et leur gravité ne seront pas prises en compte. Seront, seulement ici, analysées leur date d’apparition ainsi que la date de notification aux entrepreneurs.
Pour autant, sont exclus les travaux uniquement nécessaires pour remédier aux effets de l’usage ou de l’usure normale.
Quel point de départ pour la garantie de parfait achèvement ?
Le point de départ de la garantie de parfait achèvement : la date de la réception des travaux
En application de l’article 44.1 du CCAG travaux, reprenant les principes de l’article 1792-6 du code civil, le délai de garantie est, sauf prolongation décidée, d’un an à compter de la date d’effet de la réception.
Sans surprise, puisque la réception des travaux est l’acte par lequel le pouvoir adjudicateur déclare accepter l’ouvrage avec ou sans réserve, il en résulte que la réception des travaux :
– d’une part, met fin aux rapports contractuels entre le maître de l’ouvrage et les constructeurs en ce qui concerne la réalisation de l’ouvrage (CE, 6 avril 2007, Centre hospitalier général de Boulogne-sur-mer, n° 264490-264491 ou encore CE, 12 juin 2019, n° 420031) ;
– d’autre part, constitue le point de départ des garanties contractuelles et extra-contractuelles (article 2 du CCAG travaux).
Ainsi, la garantie de parfait achèvement prendra fin normalement un an après la date de la réception des travaux prononcée avec ou sans réserve.
Pendant ce délai, les entrepreneurs sont tenus par cette garantie et doivent répondre aux sollicitations du maître de l’ouvrage pour reprendre les désordres, sous réserve qu’ils relèvent bien du champ de cette garantie.
La garantie de parfait achèvement prolonge, ainsi, les relations contractuelles.
Une fois le délai d’un an expiré, l’entrepreneur est dégagé de ses obligations contractuels, sous réserve de stipulations particulières dans les documents du marché.
Partant, le maître de l’ouvrage est tenu de libérer les sûretés éventuellement constituées.
Nos conseils :
– être d’une extrême vigilance lors de la réception des travaux, pour être le plus précis et le plus complet lors de la rédaction du procès-verbal de réception et de la liste des réserves ;
– penser à notifier systématiquement aux entrepreneurs les désordres apparaissant dans le délai d’un an à compter de la réception pour actionner la garantie de parfait achèvement.
Est-il possible de prolonger la garantie de parfait achèvement afin de pouvoir l’actionner une fois le délai d’un an écoulé ?
Le CCAG travaux prévoit la possible prolongation de la garantie de parfait achèvement
Le représentant du pouvoir adjudicateur peut décider de prolonger le délai de la garantie de parfait achèvement jusqu’à l’exécution complète des travaux et prestations (article 44-2 du CCAG travaux).
Cette prolongation prendra la forme d’un ordre de service qui sera notifié à l’entrepreneur.
La prolongation de la garantie : pour quels désordres ?
Il s’agit de savoir pour quels désordres la garantie de parfait achèvement doit être prolongée.
Il a été jugé que pour les malfaçons ayant fait l’objet de réserve lors de la réception, aucune prolongation n’était nécessaire. Autrement dit, « les relations contractuelles entre le responsable du marché et l’entrepreneur se poursuivent non seulement pendant le délai de garantie, mais encore jusqu’à ce qu’aient été expressément levées les réserves exprimées lors de la réception » (CAA Nantes 6 juillet 2017, req. n° 15NT02571)
Dès lors, l’obligation de prolongation ne porterait que sur les désordres non objets de réserves qui seraient apparus dans le délai d’un an à compter de la réception des travaux (CAA Versailles 24 mai 2017, req. n° 14VE00724).
Pour autant, toutes les juridictions de fond ne retiennent pas cette dichotomie, considérant que l’obligation de prolongation de la garantie doit être mise en œuvre, que les désordres aient fait l’objet de réserve à la réception ou qu’ils soient apparus au cours de l’année suivant la réception des travaux :
« Considérant que la garantie de parfait achèvement concerne non seulement la reprise des désordres ou des malfaçons qui ont fait l’objet de réserves lors de la réception des travaux mais aussi de ceux qui apparaissent et sont dûment signalés dans l’année suivant la date à laquelle le maître d’ouvrage a décidé que cette réception des travaux prendrait effet ; que si l’entrepreneur n’a pas remédié aux désordres ou malfaçons ayant fait l’objet de réserves ou qui lui ont été signalés avant l’expiration de ce délai d’un an, la garantie de parfait achèvement peut être prolongée jusqu’à l’exécution complète des travaux de reprise par l’entrepreneur ou, le cas échéant, aux frais et risques de ce dernier, par une autre entreprise » (CAA Paris 21 mars 2017 Société Interoute Nouvelle-Calédonie (IRNC), req. n° 15PA03715).
Que faire ?
Notre conseil : Par sécurité, toujours prolonger la garantie de parfait achèvement par une décision expresse notifiée aux constructeurs, pour l’ensemble des désordres qu’ils aient été réservés à la réception ou qu’ils soient apparus dans le délai d’un an à compter de la réception. Aujourd’hui, en pratique, c’est ce qui est admis (CAA de Nantes, 2 octobre 2020, n° 19NT00274).
Quid de l’incidence de l’expertise judiciaire sur la prolongation de la garantie de parfait achèvement ?
La jurisprudence sur la question de savoir si l’expertise suspend le délai, ou ne fait que l’interrompre est, à ce jour, assez fluctuante.
La distinction est de taille car la suspension permet de suspendre le délai d’action pendant toute la durée de l’expertise, alors que l’interruption fait courir un nouveau délai identique à compter de la désignation de l’Expert.
En 2015, avec la pratique qui a suivi la réforme de la prescription de 2008, la Cour de cassation s’est explicitement exprimée sur ce point (Cass, Civ 3ème, 3 juin 2015, n°14-15.796), en considérant que les délais de garantie étaient des délais de forclusion, susceptibles uniquement d’interruption et non de suspension.
Mais, devant les juridictions administratives, la jurisprudence est encore fluctuante. Certains juges du fond ont pu considérer que, d’une part, le référé expertise avait pour effet de suspendre le délai de la garantie et, d’autre part, la suspension commençait à la date de l’ordonnance désignant l’expert et s’achève à la date de notification aux parties de l’ordonnance de l’expert (voir par exemple, TA Rennes, 30 décembre 2016 n° 1301986).
Le principe de l’interruption du délai de la garantie de parfait achèvement entre la date de l’ordonnance désignant un expert judiciaire et la date de remise du rapport est également retenu par la Cour administrative d’appel de Nantes (CAA Nantes, 6 juillet 2017, n° 15NT02571 et encore récemment TA Nantes, 8 avril 2020, n° 1711478).
Le sens de cette jurisprudence est repris récemment, s’agissant d’une garantie contractuelle, évidemment transposable à la garantie de parfait achèvement :
« L’introduction par le GPM de sa requête en référé expertise le 14 janvier 2015 a interrompu le délai de la garantie, lequel a recommencé à courir pour sa durée initiale à la date du dépôt du rapport d’expertise le 2 octobre 2017 » (TA Nantes, 7 octobre 2020, n° 1801343).
Pour autant, il existe un aléa judiciaire sur ce point puisque certaines juridictions administratives, de leur côté, considèrent que la demande de désignation d’un expert judiciaire a, certes, pour effet d’interrompre le délai de garantie de parfait achèvement qui, néanmoins, reprend à la date de la désignation de l’expert judiciaire (en ce sens, CAA Bordeaux, 12 octobre 2020, n°18BX02136).
Notre conseil :
Face à une telle incertitude, et aussi longtemps que le Conseil d’État n’a pas tranché cette question dont les conséquences en pratique sont considérables, notre conseil de praticiens du droit et d’experts en contrat public est de veiller à prolonger, dans les formes, la garantie de parfait achèvement dans le délai d’un an à compter de la réception des travaux.
Cette prolongation doit porter sur tous les désordres relevant de la garantie de parfait achèvement, c’est-à-dire les désordres réservés ou apparus après la réception.
Et, bien évidemment, cette décision devra être notifiée aux entrepreneurs.
Nous voyons bien que le régime de la garantie de parfait achèvement n’est toujours pas totalement stabilisé. Il convient, dans ce contexte, d’être rigoureux. En effet, tout manquement dans la notification d’un désordre et la mobilisation de la garantie de parfait achèvement ou encore dans le respect des délais stricts est susceptible d’affecter directement le maître d’ouvrage.
Il ne faut, dès lors, pas hésiter, eu égard aux conséquences attachées à une erreur dans la mise en œuvre de la garantie de parfait achèvement, à faire un excès de zèle en multipliant le formalisme.