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La prise illégale d’intérêts à l’aune de l’arrêt de la Cour de cassation du 5 avril 2023

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La prise illégale d'intérêts à l'aune de l'arrêt de la Cour de cassation du 5 avril 2023

Le délit de prise illégale d’intérêts a été réécrit avec la loi dite « pour la confiance dans l’institution judiciaire » et la Cour de cassation est venue préciser les conséquences de cette réforme (Cass. crim., 5 avril 2023, n° 21-87.217).

Les composantes du conflits d’intérêts

Pour rappel, « constitue un conflit d’intérêts toute situation d’interférence entre un intérêt public et des intérêts publics ou privés qui est de nature à influencer ou à paraître influencer l’exercice indépendant, impartial et objectif d’une fonction » (article 2 loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique).

La prise illégale d’intérêts fait partie des manquements au devoir de probité et implique la réunion de trois critères, qui vont conduire à estimer être en présence d’un conflit :

  • – intérêt ;      

  • – interférence ;    

  • – intensité. 

Premièrement, l’intérêt : 

Tout intérêt autre que le simple exercice de la fonction est susceptible de faire naitre un conflit. 

Il peut être direct ou indirect (par exemple lié à la profession du conjoint), moral (relatif à une activité bénévole), financier, etc… 

Deuxièmement, l’interférence : 

L’interférence résulte d’une divergence ou une convergence d’intérêts. 

L’interférence peut être matériel (ex. secteur d’activité), géographique (ex. territoire de la collectivité) ou encore temporel (un intérêt actuel ou passé). 

Troisièmement, l’intensité : 

Il ne doit pas seulement y avoir une simple interférence d’intérêt. Cette interférence doit présenter un certain degré d’intensité. 

L’interférence de l’intérêt doit revêtir une intensité suffisante pour jeter raisonnablement le doute sur l’impartialité de l’élu ou de l’agent concerné (voir en ce sens les conclusions sous CE, 30 janvier 2020, n°421954). 

Les risques liés à la matérialisation d’un conflit d’intérêts

Evoquer le conflit d’intérêt, c’est évoquer deux risques.

Le risque administratif : l’annulation des actes administratifs 

En effet, l’article L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales est sanctionnée par le juge administratif dispose :

« Sont illégales les délibérations auxquelles ont pris part un ou plusieurs membres du conseil intéressés à l’affaire qui en fait l’objet, soit en leur nom personnel, soit comme mandataires. En application du II de l’article L. 1111-6, les représentants des collectivités territoriales ou des groupements de collectivités territoriales mentionnés au I du même article L. 1111-6 ne sont pas comptabilisés, pour le calcul du quorum, parmi les membres en exercice du conseil municipal ». 

Ainsi, en pratique, le juge administratif est susceptible d’annuler les actes administratifs unilatéraux contraires aux dispositions du code pénal relatives aux manquements au devoir de probité, ainsi que les délibérations auxquelles ont pris part un conseiller intéressé. 

Le risque pénal : la prise illégale d’intérêts 

Et, c’est bien l’étendu du ce risque qui nous intéresse ici.

Réécriture du délit de prise illégale d’intérêts

Dans sa rédaction issue de l’article 15 de la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021, l’article L. 432-12 du code pénal dispose :

« Le fait, par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public ou par une personne investie d’un mandat électif public, de prendre, recevoir ou conserver, directement ou indirectement, un intérêt de nature à compromettre son impartialité, son indépendance ou son objectivité dans une entreprise ou dans une opération dont elle a, au moment de l’acte, en tout ou partie, la charge d’assurer la surveillance, l’administration, la liquidation ou le paiement, est puni de cinq ans d’emprisonnement et d’une amende de 500 000 €, dont le montant peut être porté au double du produit tiré de l’infraction. 

Toutefois, dans les communes comptant 3 500 habitants au plus, les maires, adjoints ou conseillers municipaux délégués ou agissant en remplacement du maire peuvent chacun traiter avec la commune dont ils sont élus pour le transfert de biens mobiliers ou immobiliers ou la fourniture de services dans la limite d’un montant annuel fixé à 16 000 euros.». 

Ainsi, avec cette récente réforme du délit de prise illégale d’intérêts, l’intérêt précédemment « quelconque dans une entreprise ou dans une opération » est remplacé par l’« intérêt de nature à compromettre son impartialité, son indépendance ou son objectivité ». 

Mais alors, quelle(s) conséquence(s) emportent ce changement de sémantique ?

Depuis l’entrée en vigueur de cette nouvelle formulation de l’article L. 432-12 du code pénal, le sujet a fait l’objet de longs débats et interrogations (en ce sens Prise illégale d’intérêts – La réforme du délit de prise illégale d’intérêts par la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 : confiance dans l’institution judiciaire ou défiance dans l’institution parlementaire ? – Etude par Frédéric Stasia, Droit pénal n° 2, Février 2022, étude 6 ou encore Répertoire de la responsabilité de la puissance publique / Responsabilité pénale des personnes publiques : infractions intentionnelles, Sophie CORIOLAND, n° 340 et suivants).

Mais heureusement que la Cour de cassation est venue nous éclairer.

Pour la Cour de cassation : la réécriture n’emporte aucune conséquence

Dans un arrêt du 5 avril 2023, la Cour de cassation a jugé :

« les prévisions de l’article 432-12 du code pénal dans sa rédaction issue de la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 aux termes de laquelle l’intérêt doit être de nature à compromettre l’impartialité, l’indépendance ou l’objectivité de l’auteur du délit sont équivalentes à celles résultant de sa rédaction antérieure par laquelle le législateur, en incriminant le fait, par une personne exerçant une fonction publique, de se placer dans une situation où son intérêt entre en conflit avec l’intérêt public dont elle a la charge, a entendu garantir, dans l’intérêt général, l’exercice indépendant, impartial et objectif des fonctions publiques (Crim., 19 mars 2014, QPC n° 14-90.001 ; Crim., 20 décembre 2017, QPC n° 17-81.975) » (Cass. crim., 5 avril 2023, n° 21-87.217).

La Cour de cassation confirme la portée limitée de cette réforme.

Et concrètement, dans cette affaire, en application de l’article 112-1 du Code pénal, la Cour de cassation juge que la nouvelle rédaction de l’article 432-12 du code pénal est similaire à l’ancienne rédaction et donc n’est pas moins sévère que l’ancienne version.

Par conséquent, cette nouvelle rédaction ne s’applique pas aux situations antérieures à son entrée en vigueur.

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