Par un arrêt du 22 décembre 2022, la Cour de justice de l’Union Européenne apporte quelques précisions sur le contrôle analogue pour qualifier une quasi-régie et donc identifier un contrat « in house ».
Définition de la quasi-régie
De manière synthétique, la quasi-régie est définie aux articles L. 2511-1 à 5 du Code de la commande publique.
Ces dispositions du code de la commande publique transposent les règles européennes, à savoir l’article 12 de la directive 2014/24 , qui, quant à elles, résultent d’une transposition pure et simple de la jurisprudence de la Cour de justice, qui dans l’arrêt Teckal :
« la collectivité territoriale exerce sur la personne en cause un contrôle analogue à celui qu’elle exerce sur ses propres services et où cette personne réalise l’essentiel de son activité avec la ou les collectivités qui la détiennent » (CJCE, 18 novembre 1999, aff. C-107/98).
La quasi-régie caractérise l’hypothèse où il existe un lien de subordination ou de contrôle similaire à celui exercé sur ses propres services et que le cocontractant réalise la majorité de son activité avec les personnes publiques qui le détiennent.
Ainsi, pour caractériser une quasi-régie, il faut que :
– le pouvoir adjudicateur ou l’entité adjudicatrice exerce un contrôle analogue à celui qu’il exerce sur ses propres services ;
– le cocontractant réalise ses activités essentiellement pour le compte du pouvoir adjudicateur ou de l’entité adjudicatrice.
Rappel des conséquences liées à la qualification d’une quasi-régie : dérogation aux règles de publicité et de mise en concurrence.
L’identification d’une quasi-régie a pour effet d’écarter les règles de publicité et de mise en concurrence préalables à la conclusion d’un contrat de la commande publique.
Dans l’arrêt Teckal, la Cour de justice admet que les directives relatives aux marchés publics ne sont pas applicables aux contrats conclus dans un cadre de quasi-régie.
Justement, par son arrêt du 22 décembre 2022, la Cour de justice de l’Union Européenne précise la notion de contrôle analogue.
Le contrôle analogue critère d’identification de la quasi-régie
Le contrôle analogue correspond au contrôle exercé par le pouvoir adjudicateur ou l’entité adjudicatrice sur leurs propres services.
La Cour de justice rappelle que le contrôle est analogue, dès lors que le pouvoir adjudicateur :
« exerce une influence décisive à la fois sur les objectifs stratégiques et sur les décisions importantes de la personne morale contrôlée » (CJUE, 22 décembre 2022, C‑383/21 et C‑384/21).
Dans l’hypothèse d’une quasi-régie simple, c’est-à-dire le cas où le cocontractant est contrôlé par un pouvoir adjudicateur, il n’y a peu de difficulté parce que la relation descendante est facile à identifier. La caractérisation du contrôle analogue ne pose, dans cette hypothèse, pas beaucoup de difficulté.
La situation peut s’avérer plus délicate en matière de contrôle conjoint.
Le contrôle conjoint correspond au cas où :
« les organes décisionnels de la personne morale contrôlée sont composés de représentants de tous les pouvoirs adjudicateurs participants, une même personne pouvant représenter plusieurs pouvoirs adjudicateurs participants ou l’ensemble d’entre eux » (article 12.3, second alinéa, point i de la directive 2014/24).
Et pour la Cour :
« Il résulte ainsi des termes de cette disposition que celle-ci requiert qu’un pouvoir adjudicateur exerçant un contrôle conjoint sur une personne morale dispose d’un membre agissant en qualité de représentant de ce pouvoir adjudicateur dans les organes décisionnels de cette personne morale, ce membre pouvant, le cas échéant, représenter également d’autres pouvoirs adjudicateurs » (CJUE, 22 décembre 2022, C‑383/21 et C‑384/21, point 57).
Il est possible pour les pouvoirs adjudicateurs conjoints de disposer d’un représentant commun.
A noter, à ce stade, que la quasi-régie conjointe est également définie aux articles L. 2511-3 et L. 2511-4 du Code de la commande publique.
C’est sur l’identification de ce contrôle analogue conjoint que la Cour de justice apporte quelques précisions.
En effet, une des questions préjudicielles posée à la Cour était :
« L’article [12, paragraphe 3,] de la directive [2014/24] doit-il être interprété en ce sens que la condition pour un pouvoir adjudicateur, en l’occurrence une société de logement de service public, d’être représenté au sein des organes décisionnels de la personne morale contrôlée, en l’occurrence une société coopérative intercommunale, est remplie au seul motif qu’une personne siégeant au sein du conseil d’administration de cette société coopérative intercommunale en sa qualité de conseiller communal d’un autre pouvoir adjudicateur participant, en l’occurrence une commune, se trouve, en raison de circonstances exclusivement factuelles et sans garantie juridique de représentation, être également administrateur au sein de la société de logement de service public tandis que la commune est actionnaire (non exclusif) tant de l’entité contrôlée (société coopérative intercommunale) que de la société de logement de service public ? » (CJUE, 22 décembre 2022, C‑383/21 et C‑384/21, point 32)
Autrement dit, est-ce que le fait qu’un représentant d’une commune « A », également au conseil d’administration d’un autre pouvoir adjudicateur, « B », au sein de la personne morale contrôlée « C », vaut contrôle analogue de « B » sur « C » ?
La cour de justice de l’Union Européenne interprète l’article 12, paragraphe 3, second alinéa, sous i), de la directive 2014/24 ainsi :
« afin d’établir qu’un pouvoir adjudicateur exerce, conjointement avec d’autres pouvoirs adjudicateurs, un contrôle sur la personne morale adjudicataire analogue à celui qu’ils exercent sur leurs propres services, l’exigence visée à cette disposition, tenant à ce qu’un pouvoir adjudicateur soit représenté dans les organes décisionnels de la personne morale contrôlée, n’est pas satisfaite au seul motif que siège au conseil d’administration de cette personne morale le représentant d’un autre pouvoir adjudicateur qui fait également partie du conseil d’administration du premier pouvoir adjudicateur » (CJUE, 22 décembre 2022, C‑383/21 et C‑384/21, point 75).
En l’espèce, le contrôle analogue ne saurait être caractérisé puisqu’il s’avère, dans cette configuration, qu’un pouvoir adjudicateur ne siège pas au conseil d’administration de la personne morale à qui le marché public a été attribué sans publicité et mise en concurrence.
Le seul fait que le représentant du pouvoir adjudicateur A au sein du conseil d’administration de la personne morale contrôlée C soit également au sein du conseil d’administration de l’autre pouvoir adjudicateur B ne suffit pas.
En effet, B n’est pas représenté au sein conseil d’administration de C de sorte que le représentant du pouvoir adjudicateur A au sein du conseil d’administration de la personne morale contrôlée C ne peut, en aucun cas, être considéré comme représentant de B dans C.
Le lien est trop indirect et distant pour qu’une quasi-régie puisse être caractérisée en B et C alors même que le représentant de la commune A au sein de la personne morale contrôlée C est également membre du conseil d’administration de B. Le représentant de la commune au sein de la personne morale contrôlée n’est pas en mesure, au nom de B d’avoir une influence décisive à la fois sur les objectifs stratégiques et sur les décisions importantes de la personne morale contrôlée.