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Accords-cadres : attention à l’obligation de prévoir un maximum en montant ou en quantité

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Accords-cadres : attention à l’obligation de prévoir un maximum en montant ou en quantité

Si c’est la Cour de justice de l’Union Européenne qui a initialement consacré l’obligation de maximum en montant ou en quantité pour les accords-cadres, la législation française et la jurisprudence administrative se sont rapidement ralliées à cette position. Elles ont en effet reconnu cette obligation dont le non-respect est susceptible de léser les candidats participant à la procédure de passation pour la conclusion de l’accord-cadre (CE, 28 janvier 2022, Communauté de Communes Convergence Garonne, n°456418).

Pour autant, se pose la question des conséquences pratiques pour les procédures initiées avant l’entrée en vigueur du décret n° 2021-1111 du 23 août 2021 et de la nouvelle rédaction de l’article R. 2162-4  du code de la commande publique.

L’année 2021 : un bouleversement pour la réglementation des accords-cadres sans maximum en montant ou en quantité

Aux termes des anciennes dispositions de l’article R. 2162-4 du code de la commande publique, issues du décret n° 2018-1075 du 3 décembre 2018 portant partie réglementaire du code de la commande publique :

« Les accords-cadres peuvent être conclus :

1° Soit avec un minimum et un maximum en valeur ou en quantité ;

2° Soit avec seulement un minimum ou un maximum ;

3° Soit sans minimum ni maximum ».

Et l’article R. 2121-8 du code de la commande publique prévoyait que « lorsque l’accord-cadre ne fixe pas de maximum, sa valeur estimée est réputée excéder les seuils de procédure formalisée ».

Cette version française des accords-cadres autorisant la conclusion d’accords-cadres sans maximum a connu un coup d’arrêt en 2021.

L’obligation d’indiquer un maximum en montant ou en quantité pour les accords-cadres : une révolution d’abord européenne

Dans un arrêt Simonsen du 17 juin 2021, la Cour de justice de l’Union Européenne indique que les principes de la commande publique de transparence et d’égalité de traitement impliquent qu’une estimation de la valeur maximale des prestations susceptibles d’être commandées pendant la durée d’exécution de l’accord-cadre doit figurer dans les avis de marché.

En application des mêmes principes, l’acheteur doit déterminer et indiquer une quantité ou une valeur maximale contractuelle des prestations qui pourront être commandées pour la durée de l’accord-cadre.

Autrement dit, il résulte de cet arrêt que l’absence de valeur maximale pour les accords-cadres contrevient purement et simplement aux principes de transparence et d’égalité de traitement des candidats.

A la lecture de cet arrêt, la Direction des affaires juridiques du ministère de l’Économie n’a pas manqué très rapidement d’expliciter ses conséquences et, plus encore, a « recommandé aux acheteurs de prévoir, pour leurs futurs projets d’accords-cadres, le montant maximum des marchés subséquents ou des bons de commande qu’elles pourront demander aux attributaires d’exécuter et au-delà duquel ces attributaires seront libérés de leurs obligations contractuelles » (Conséquences sur les accords-cadres de l’arrêt de la CJUE Simonsen & Weel).

La transposition nationale de l’obligation pour les acheteurs publics de préciser un maximum en montant ou en quantité pour les accords-cadres

La jurisprudence européenne a eu pour conséquence directe de rendre la rédaction initiale de l’article R. 2162-4 du code de la commande publique contraire au droit de l’Union Européenne en ce qu’il permettait la conclusion d’accords-cadres sans maximum.

A noter que la jurisprudence Simonsen ne sanctionne aucunement les accords-cadres sans minimum.

Dès lors, par décret n° 2021-1111 du 23 août 2021 portant modification les dispositions du code de la commande publique relatives aux accords cadres et aux marchés publics de défense ou de sécurité, les dispositions des articles R. 2162-4  et R. 2121-8 du code de la commande publique ont été modifiés afin de tenir compte de la jurisprudence Simonsen

Désormais, les accords-cadres devront toujours comporter un maximum en montant ou en quantité. Pour autant, il est toujours possible de conclure des accords-cadres sans minimum :

« Les accords-cadres peuvent être conclus :

1° Soit avec un minimum et un maximum en valeur ou en quantité ;

2° Soit avec seulement un maximum en valeur ou en quantité » .

(R. 2162-4  du code de la commande publique)

Ces nouvelles dispositions relatives aux accords-cadres s’appliquent uniquement aux marchés pour lesquels une consultation est engagée ou un avis d’appel à la concurrence est envoyé à la publication à compter du 1er janvier 2022.

Si aujourd’hui, les accords-cadres doivent toujours comporter un maximum en montant ou en quantité, il n’en demeure pas moins que l’entrée en vigueur décalée de cette obligation a créé une incertitude eu égard à l’opposabilité immédiate de la jurisprudence européenne Simonsen. C’est bien pour cette raison que, dès juillet 2021, la Direction des affaires juridiques du ministère de l’Économie préconisait aux acheteurs publics de toujours indiquer un maximum en montant ou en quantité pour les accords-cadres.

L’absence de maximum en montant ou en quantité constitue un manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence

Le Conseil d’Etat vient de juger que le fait, pour l’acheteur public, de ne pas indiquer un maximum en montant ou en quantité dans les accords-cadres constitue une violation des principes de la commande publique susceptible de léser un candidat et, partant, d’entraîner l’annulation de la procédure de passation :

« D’une part, après avoir relevé, par une appréciation souveraine exempte de dénaturation, que ni l’avis de marché, ni le cahier des clauses techniques particulières, ni aucune autre pièce du marché ne mentionnait la quantité ou la valeur maximale des produits à fournir dans le cadre du lot n° 1 de l’accord-cadre en litige, qui relève du champ d’application de la directive du 26 février 2014 mentionnée ci-dessus, et, d’autre part, après avoir souverainement estimé qu’en l’espèce, l’absence de cette information n’avait pas mis la société Coved à même de présenter une offre adaptée aux prestations maximales auxquelles elle pourrait être amenée à répondre, le juge du référé précontractuel du tribunal administratif de Bordeaux n’a pas inexactement qualifié les faits soumis à son appréciation en jugeant que la communauté de communes Convergence Garonne avait manqué à ses obligations de publicité et de mise en concurrence et que la société Coved avait pu être lésée par ce manquement et était ainsi fondée à demander l’annulation de la procédure de passation du lot en litige » . 

(CE, 28 janvier 2022, Communauté de Communes Convergence Garonne, n°456418)

Le Conseil d’Etat confirme, ainsi, l’ordonnance du Tribunal administratif de Bordeaux du 23 août 2021 (n° 2103959). 

A première vue, cette solution paraît déjà datée avec l’entrée en vigueur, au 1er janvier 2022, des dispositions imposant justement aux acheteurs publics d’indiquer un maximum en montant ou en quantité dans les accords-cadres.

Néanmoins, cette solution jurisprudentielle pourrait encore jouer dans le cadre d’un recours Tarn et Garonne.

Notre conseil pratique : rester vigilant puisque les conséquences pratiques ne sont pas nécessairement éteintes, d’autant plus que le Conseil d’Etat vient tout récemment de sanctionner ce manquement s’agissant d’un marché public de services sociaux (CE, 3 février 2022, n° 457233).

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