Le code du travail régit le transfert du contrat de travail lorsque survient une modification dans la situation juridique de l’employeur.
Dans ce cadre que L. 1224-3 du code du travail prévoit que, lorsque l’activité d’une entité économique employant des salariés de droit privé est, par transfert de cette entité, reprise par une personne publique dans le cadre d’un service public administratif, il appartient, en principe, à cette personne publique de proposer à ces salariés un contrat de droit public.
Le transfert de l’entité économique autonome, notion juridique, définie par la jurisprudence, que nous n’étudierons pas ici, entraîne, ainsi, le transfert des contrats de travail rattachés à cette entité.
Que ce soit le transfert d’une activité du public au privé ou l’inverse, le code du travail impose la conclusion d’un nouveau contrat de travail, le droit public ou de droit privé, selon l’hypothèse, mais qui, dans tous les cas, devra reprendre les clauses substantielles du contrat initial, dont la rémunération du salarié.
La rémunération, une clause substantielle du contrat de travail transféré
Ces clauses substantielles portent, notamment, sur la rémunération.
Ainsi, l’article L. 1224-3 du code du travail, relatif à la reprise d’une entité économique autonome par une personne publique, précise à cet égard :
« Sauf disposition légale ou conditions générales de rémunération et d’emploi des agents non titulaires de la personne publique contraires, le contrat qu’elle propose reprend les clauses substantielles du contrat dont les salariés sont titulaires, en particulier celles qui concernent la rémunération ».
Autrement dit, même si le contrat est transféré du secteur privé au secteur public, le nouvel agent public doit bénéficier d’une rémunération identique.
Il en est déduit que le nouvel employeur public n’est pas en droit de proposer aux intéressés une rémunération inférieure à celle dont ils bénéficiaient auparavant au seul motif que celle-ci dépasserait, à niveaux de responsabilité et de qualification équivalents, celle des agents en fonctions dans l’organisme d’accueil à la date du transfert » (CE, 25 juillet 2013, n° 355804).
L’obligation de reprise de la rémunération, un principe à exception
Ce principe de reprise de la rémunération n’est pas absolu, dans la mesure où l’article L. 1224-3 du code du travail prévoit que la reprise de la rémunération, en tant que clause substantielle du contrat de travail, est de droit sous réserve de dispositions légales ou conditions générales de rémunération et d’emploi des agents non titulaires de la personne publique contraires.
Le Conseil d’État interprète ces dispositions :
« ces dispositions font obstacle à ce que soient reprises […] des clauses impliquant une rémunération dont le niveau, même corrigé de l’ancienneté, excèderait manifestement celui que prévoient les règles générales fixées, le cas échéant, pour la rémunération de ses agents non titulaires » (CE, 25 juillet 2013, n° 355804).
Cette interprétation de l’article L. 1224-3 du code du travail est encore récemment rappelée par la Conseil d’État :
« Il résulte des dispositions citées au point 2 qu’en écartant, en l’absence même de toute disposition législative ou réglementaire contraire, la reprise des clauses du contrat dont le salarié transféré était titulaire relatives à la rémunération, lorsque celles-ci ne sont pas conformes aux » conditions générales de rémunération et d’emploi des agents non titulaires de la personne publique « , le législateur n’a pas entendu autoriser la personne publique concernée à proposer aux intéressés une rémunération inférieure à celle dont ils bénéficiaient auparavant au seul motif que celle-ci dépasserait, à niveaux de responsabilité et de qualification équivalents, celle des agents en fonctions dans l’organisme d’accueil à la date du transfert. En revanche, ces dispositions font obstacle à ce que soient reprises, dans le contrat de droit public proposé au salarié transféré, des clauses impliquant une rémunération dont le niveau, même corrigé de l’ancienneté, excèderait manifestement celui que prévoient les règles générales fixées, le cas échéant, pour la rémunération de ses agents non titulaires ».
(CE, 1er juillet 2022, n° 444792)
Mais, dans une approche pédagogique, le Conseil d’État va plus loin.
Il ajoute, en effet, que la reprise de la rémunération antérieure n’est possible que :
« si elle peut être regardée comme n’excédant pas manifestement la rémunération que, dans le droit commun, il appartiendrait à l’autorité administrative compétente de fixer, sous le contrôle du juge, en tenant compte, notamment, des fonctions occupées par l’agent non titulaire, de sa qualification et de la rémunération des agents de l’État de qualification équivalente exerçant des fonctions analogues ».
(CE, 1er juillet 2022, n° 444792)
Autrement dit, bien qu’un contrat de travail soit transféré impliquant la reprise de la rémunération par l’employeur public d’accueil, il n’est pas possible que le nouvel agent bénéficie d’une rémunération manifestement excessive.
La rémunération doit correspondre :
- – aux fonctions exercées ;
- – à la qualification ;
- – à la rémunération des autres agents pour des fonctions et qualifications analogues.
Transfert du contrat de travail : définition de la rémunération
Dans un arrêt du 2 décembre 2019, le Conseil jugeait qu’afin de déterminer si la clause concernant la rémunération est bien reprise conformément à la réglementation, il convient de prendre en compte le montant brut des salaires et des primes (CE, 2 décembre 2019, n° 421715).
Le Conseil d’État éclaire ce point :
« Pour l’application de ces dispositions, la rémunération antérieure et la rémunération proposée doivent être comparées en prenant en considération, pour leurs montants bruts, les salaires ainsi que les primes éventuellement accordées à l’agent et liées à l’exercice normal des fonctions, dans le cadre de son ancien comme de son nouveau contrat » (CE, 1er juillet 2022, n° 444792 voir également en ce sens CE, 3 juillet 2020, nº 422481).
Ainsi, doivent être prises en compte pour la détermination du montant de la rémunération à reprendre toutes les primes et indemnités versées à échéances régulières. Par conséquent, seront écartées les primes et indemnités exceptionnelles.
A noter que, pour le Conseil d’État doivent, notamment, être prises en compte les primes d’ancienneté ou de déroulement de carrière, qui pourtant ne rémunèrent pas directement la prestation de travail.
Les primes liées à l’exercice normal des fonctions sont une composante de la rémunération
Et pour déterminer le quantum de la nouvelle rémunération, il est nécessaire de prendre en considération les primes fixes et les primes variables, ces dernières devant « être prises en compte, eu égard aux modalités de leur détermination, pour leur montant de référence ou tout autre montant servant de base aux modulations individuelles, tel que ce montant est arrêté par la collectivité concernée dans le cadre du régime qui les détermine » (CE, 1er juillet 2022, n° 444792).
Ainsi, la comparaison des rémunérations, pour déterminer si l’obligation de reprise de cette clause substantielle est respectée, nécessite d’intégrer les primes fixes et variables.
Cette analyse concrète avait justement été réalisée par la Cour administrative d’appel de Marseille permettant au Conseil d’État de considérer que :
« eu égard à leur nature de primes accordées à l’agent et liées à l’exercice normal des fonctions, les montants de l’indemnité d’exercice de missions des préfectures et de l’indemnité d’administration et de technicité, perçues par l’intéressée à compter de son recrutement par le centre communal d’action sociale de la commune d’Hyères, devaient être intégrés dans la rémunération résultant du nouveau contrat de droit public et en en déduisant que Mme A… devait être regardée comme recevant une rémunération brute d’un montant équivalent à celle qu’elle percevait antérieurement dans son emploi privé, la cour administrative d’appel de Marseille, qui a porté une appréciation souveraine sur les stipulations contractuelles en débat sans les dénaturer, n’a pas commis d’erreur de droit ».
(CE, 1er juillet 2022, n° 444792)
Ainsi, le contrôle du Conseil d’État se limite, alors à vérifier l’absence de dénaturation du caractère équivalent de la nouvelle rémunération de l’agent et de son ancienne rémunération en qualité de salarié de droit privé.