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Le nouveau régime de responsabilité financière des gestionnaires publics

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Le nouveau régime de responsabilité financière des gestionnaires publics

Avec l’entrée en vigueur de l’Ordonnance n° 2022-408 du 23 mars 2022, les comptables et les ordonnateurs, autrement dit les gestionnaires publics, seront soumis à des règles de responsabilité financière qui leur seront communes. 

Un régime unifié qui ne remet pas en cause la règle fondamentale des finances publiques, à savoir la séparation du comptable et de l’ordonnateur.

A noter que ce nouveau régime de responsabilité financière des gestionnaires publics emporte la création d’une chambre du contentieux de la Cour des comptes, chargée d’instruire et de juger les affaires en première instance et dont l’appel relèvera de la Cour d’appel financière créée.

Cette ordonnance prise sur le fondement de l’article 168 de Loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022 entre en vigueur à compter du 1er janvier 2023.

Et, la direction du Budget et la DGFiP viennent de sortir un guide sur cette réforme.

Objectifs de la réforme de la responsabilité financière des gestionnaires publics

Premièrement, les pouvoirs publics ont souhaité établir un régime d’infractions financières sanctionnant la faute grave relative à l’exécution des recettes ou des dépenses ou à la gestion des biens des entités publiques ou des organismes relevant du code de la sécurité sociale leur ayant causé un préjudice financier significatif.

Deuxièmement, en se concentrant sur les fautes graves ayant causé un préjudice financier significatif, il est créé une dichotomie avec les autres fautes qui relèvent d’avantage de la responsabilité managériale.

Troisièmement, le nouveau régime de responsabilité financière des gestionnaires publics induit aussi la réforme des autres infractions prévues par le code des juridictions financières et, celui de la gestion de fait.

Le nouveau régime de responsabilité financière des gestionnaires publics : quels justiciables ?

Le nouvel article L. 131-1 du code des juridictions financières définit les justiciables :

– toute personne appartenant au cabinet d’une personne mentionnée aux 1° à 15° de l’article L. 131-2 ;

– tout fonctionnaire ou agent civil ou militaire de l’Etat, des collectivités territoriales, de leurs établissements publics ainsi que des groupements des collectivités territoriales ;

– tout représentant, administrateur ou agent des autres organismes qui sont soumis soit au contrôle de la Cour des comptes, soit au contrôle d’une chambre régionale des comptes ou d’une chambre territoriale des comptes ;

– tous ceux qui exercent, en fait, les fonctions des personnes désignées précédemment.

En revanche, les personnes, en principe, non-justiciables sont listées à l’article L. 131-2 du code des juridictions financières.

Nous disons bien, en principe, car ces « non-justiciables » restent, tout de même, justiciables au titre de l’infraction définie à l’article L. 131-15 du code des juridiction financière, soit :

« Toute personne qui, sans avoir la qualité de comptable public ou sans agir sous contrôle et pour le compte d’un comptable public, s’ingère dans le recouvrement de recettes affectées ou destinées à un organisme public doté d’un poste comptable ou dépendant d’un tel poste est, dans le cas où elle n’a pas fait l’objet pour les mêmes opérations des poursuites au titre du délit prévu et réprimé par l’article 433-12 du code pénal, passible des sanctions prévues à la section 3 au titre de sa gestion de fait.

Le comptable de fait est en outre comptable de l’emploi des fonds ou valeurs qu’il détient ou manie irrégulièrement et, à ce titre, passible des sanctions prévues à la section 3 en cas de commission d’une infraction mentionnée aux articles L. 131-9 à L. 131-14.

Il en est de même pour toute personne qui reçoit ou manie directement ou indirectement des fonds ou valeurs extraits irrégulièrement de la caisse d’un organisme public et pour toute personne qui, sans avoir la qualité de comptable public, procède à des opérations portant sur des fonds ou valeurs n’appartenant pas aux organismes publics, mais que les comptables publics sont exclusivement chargés d’exécuter en vertu de la réglementation en vigueur ».

L’article L. 131-4 du code des juridictions financières prévoit une autre exception :

« Les personnes mentionnées aux 2° à 15° de l’article L. 131-2 sont justiciables de la Cour des comptes, à raison des actes accomplis dans l’exercice de leurs fonctions : 

1° Lorsqu’elles ont commis l’infraction définie à l’article L. 131-14 ; 

2° Lorsqu’elles ont engagé leur responsabilité propre à l’occasion d’un ordre de réquisition, conformément à l’article L. 233-1, à l’article LO 253-19, à l’article LO 264-5 ou à l’article LO 274-5, et enfreint les dispositions de l’article L. 131-12 ».

Les causes exonératoires de la responsabilité financière des gestionnaires publics

Le nouveau régime de la responsabilité financière des gestionnaires publics prévoit des causes exonératoires (articles L. 131-5, 6, 7 et 8 du code des juridictions financières) que nous exposons ci-après.

Premièrement, sous réserve que l’instruction donnée ne soit pas manifestement illégale et de nature à compromettre un intérêt public, le justiciable qui agit conformément aux instructions préalables de son supérieur hiérarchique et d’une personne habilitée n’est passible d’aucune sanction. 

Deuxièmement, les justiciables ne sont passibles d’aucune sanction s’ils peuvent exciper, 

  • d’une part, d’un ordre écrit préalable émanant d’une autorité mentionnée aux 1° à 15° de l’article L. 131-2, dès lors que cette autorité a été dûment informée sur l’affaire, 

  • d’autre part, d’une délibération préalable d’un organe délibérant d’une collectivité territoriale ou d’un groupement de collectivités territoriales mentionné à l’article L. 5111-1 du code général des collectivités territoriales, dès lors que cet organe délibérant a été dûment informé sur l’affaire et que cette délibération présente un lien direct avec celle-ci.

Troisièmement, les comptables ne sont pas responsables des opérations qu’ils ont effectuées sur réquisition régulière des ordonnateurs.

Quatrièmement, l’existence de circonstances exceptionnelles ou constitutives de la force majeure permet d’écarter toute responsabilité financière des gestionnaires publics.

Le nouveau régime de responsabilité financière des gestionnaires publics : quelles infractions ? 

Sont poursuivies :

– les infractions aux règles relatives à l’exécution des recettes et des dépenses ou à la gestion des biens de l’Etat, des collectivités, établissements et organismes mentionnés au même article L. 131-1, qui constituent une faute grave ayant causé un préjudice financier significatif.

Etant précisé que le caractère significatif du préjudice financier est apprécié en tenant compte de son montant au regard du budget de l’entité ou du service relevant de la responsabilité du justiciable  (article L. 131-9 du code des juridictions financières).

– les fautes qui entrainent un préjudice financier significatif aux organismes soumis au contrôle de la Cour des comptes et des chambres régionales des comptes soit en raison d’agissements manifestement incompatibles avec les intérêts de ceux-ci soit en raison des carences graves dans les contrôles ou des omissions ou négligences répétées dans le rôle de direction

– tous agissements ayant pour effet de faire échec à une procédure de mandatement d’office ;

– l’octroi d’un avantage injustifié ;

– le non-respect des règles applicables en matière de contrôle budgétaire pour l’engagement de dépenses ;

– l’engagement de dépenses sans avoir la qualité d’ordonnateur ;

– l’inexécution des décisions de justice ;

– la gestion de fait ;

– l’absence de production des comptes.

Le nouveau régime de responsabilité financière des gestionnaires publics : quelles sanctions ? 

Les sanctions sont listées aux articles L. 131-16  et suivant du code de juridictions financières.

A noter que la juridiction est toujours en mesure d’accorder une dispense de peine, lorsqu’il apparaît que le dommage causé est réparé et que le trouble causé par l’infraction a cessé.

Le gestionnaire public coupable d’une infraction prévue au code des juridictions financières risque de lourdes sanctions soit une amende d’un montant maximal égal à six mois de rémunération annuelle de la personne faisant l’objet de la sanction à la date de l’infraction.

Dans le cas où le gestionnaire public est poursuivi pour non-production des comptes, engagement d’une dépense, sans respecter les règles applicables en matière de contrôle budgétaire ou sans en avoir le pouvoir ou sans avoir reçu délégation à cet effet, la sanction est  plus mesurée  : à savoir une amende d’un montant supérieur à un mois de rémunération annuelle de la personne faisant l’objet de la sanction à la date de l’infraction.

A noter que dans tous les cas, les amendes sont proportionnées :

– à la gravité des faits reprochés, 

– à l’éventuelle réitération de pratiques prohibées, 

– et le cas échéant, à l’importance du préjudice causé à l’organisme. 

Par ailleurs,  les sanctions sont déterminées individuellement pour chaque personne sanctionnée. Et, lorsque le justiciable ne perçoit pas une rémunération ayant le caractère d’un traitement ou d’un salaire, le montant de l’amende ne peut excéder la moitié de la rémunération annuelle correspondant à l’échelon le plus élevé afférent à l’emploi de directeur d’administration centrale (L. 131-17 du code des juridiction financières).

La sanction de la gestion de fait (article L. 131-18 du code des juridictions financières)

S’agissant de la  sanction de la gestion de fait, les mêmes principes sont retenus.

L’amende est d’un montant maximal égal à six mois de la rémunération annuelle à la date de la déclaration de la gestion de fait au comptable, dans les fonctions duquel il s’est immiscé.

Pour fixer le montant de l’amende, la juridiction doit, également, tenir compte : 

– de l’importance et de la durée de la détention ou du maniement des deniers, 

– des circonstances dans lesquelles l’immixtion dans les fonctions de comptable public s’est produite, 

– du comportement et de la situation matérielle du comptable de fait. 

Dans la mesure où cette infraction peut être cumulée avec d’autres infractions, il est précisé que le montant total de l’amende ne peut excéder le montant de celle encourue au titre de l’infraction passible de la sanction la plus élevée.

Richer & Associés Droit Public se tient évidemment à vos côtés pour vous présenter cette réforme et vous accompagner en cas de poursuite devant le juge financier.

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