Selon l’article L.2121-5 du CGCT « tout membre d’un conseil municipal qui, sans excuse valable, a refusé de remplir une des fonctions qui lui sont dévolues par les lois, est déclaré démissionnaire par le tribunal administratif ».
Cette disposition du code général des collectivités territoriales est, notamment, de la plus haute importance en période électorale puisqu’il revient aux conseillers municipaux, en vertu des dispositions du code électoral, d’exercer des fonctions au sein des bureaux de vote.
Mais bien évidemment, la démission d’office ne sanctionne pas uniquement le refus des élus d’exercer leur mission au sein des bureaux de vote.
Quelles sont les fonctions dévolues par la loi aux conseillers municipaux dont le non accomplissement pourrait entraîner une démission d’office ?
Cette question est pertinente car, au final, il n’existe pas de liste ou document répertoriant les fonctions dévolues par la loi aux conseillers municipaux.
Les fonctions d’assesseur sont-elles au nombre de celles dévolues par la loi?
Le juge administratif décide que oui.
En effet, le Conseil d’État considère que les fonctions d’assesseur prévues aux articles R.43 et R.44 du code électoral comptent parmi les fonctions dévolues par la loi à un conseiller municipal au sens de l’article L.2121-5 du CGCT (CE, 26 novembre 2021, Commune de Dourdan, n°349510).
Sur ce point, la position du juge administratif est constante (voir par exemple : CAA Versailles, 25 novembre 2021, n°21VE02668).
Cette position a été rappelée dans l’instruction INSTA20000661J du 16 janvier 2020 relative au déroulement des opérations électorales lors des élections au suffrage universel direct (8.2.3).
De même, dans deux arrêts récents, la Cour administrative de Bordeaux l’a rappelé :
« Il résulte de ces dispositions que la fonction d’assesseur de bureau de vote qui peut être confiée par le maire à des membres du conseil municipal compte parmi les fonctions qui leur sont dévolues par les lois au sens de l’article L. 2121-5 du code général des collectivités territoriales » (CAA Bordeaux, 9 septembre 2022, 22BX01576 et CAA Bordeaux, 9 septembre 2022, n° 22BX01656).
Autrement dit, le refus d’exercer la fonction d’assesseur de bureau de vote sans justification valable est susceptible d’entraîner une démission d’office du conseiller municipal.
Toutefois, la déclaration de démission d’office suppose le respect d’une stricte procédure préalable.
Le constat de la démission d’office de l’élu municipal doit être précédée du respect d’une stricte procédure préalable
Il s’avère que la déclaration de démission d’office sera prononcée sous conditions :
- – Le maire doit avoir adressé une vraie convocation préalable au conseiller municipal ;
- – Le conseiller municipal doit avoir réellement refusé d’accomplir ses fonctions.
La convocation préalable du conseiller municipal à exercer ses missions
L’élu doit avoir été préalablement convoqué par le maire à exercer ses fonctions.
Cette convocation doit :
- – être préalable,
- – être individuelle ;
- – faire apparaître son caractère impératif.
La convocation doit, également, être adressée dans un délai raisonnable permettant à l’intéressé de prendre connaissance de la demande et d’y apporter une réponse sérieuse.
Le juge administratif considère que la procédure n’est pas respectée si le maire se borne à adresser un vague courrier général à tous les conseillers municipaux les invitant à communiquer leur disponibilité pour la constitution des bureaux de vote (TA Amiens, 6 mai 2004, Commune de Le Hamel, n°04837, AJDA 2004. 1612).
De même, le Tribunal administratif de Grenoble a jugé :
« il résulte de l’instruction que le courrier du maire de Grenoble susmentionné sollicitant leur participation à la présidence des bureaux de vote se limitait à leur demander d’exprimer leur souhait quant à la présidence de ces bureaux et de préciser, le cas échéant, le bureau de vote choisi et la ou les dates acceptées ; que les réponses négatives à une telle demande ne pouvaient par suite s’analyser comme un refus au sens des dispositions de l’article L.2121-5 » .
(TA Grenoble, 28 janvier 2016, n°1505739)
Le respect de cette procédure formelle de convocation est important.
En effet, son non-respect empêche purement et simplement de considérer que le conseiller municipal est démissionnaire (CAA Nantes, 22 décembre 2020, n°10NT02141).
Que faire en pratique ?
En pratique, nous préconisons, dans un premier temps, l’envoi d’un courrier de convocation individuelle à exercer les fonctions comportant les mentions précises, pour :
- – rappeler le caractère impératif de la présence de l’élu ;- l’inviter à communiquer ses disponibilités ;- l’informer que toute absence devra être justifiée par un motif valable.
- – Ce courrier sera distinct du courrier d’avertissement qui sera adressé, dans un second temps, en cas de refus.
Le refus de l’élu municipal d’exercer ses fonctions
La démission d’office ne peut être constatée qu’en cas de refus du conseiller d’exercer ses fonctions.
L’article L.2121-5 du CGCT indique que ce refus peut résulter :
– d’une déclaration expresse (refus explicite) :
Dans cette hypothèse, le conseiller refuse d’exercer ses fonctions après convocation régulière.
Ce refus peut résulter d’un texte écrit, d’une lettre ou d’un tract porté à la connaissance du maire par quelque moyen que ce soit (courrier postal, courriel, message sur les réseaux sociaux).
– d’une abstention persistante après avertissement de l’autorité chargée de la convocation (refus implicite) :
Dans cette hypothèse, le conseiller s’abstient de répondre au maire à la suite d’une convocation régulière.
L’avertissement doit présenter les caractéristiques suivantes :
- – ne pas être ambiguë ;
- – mentionner clairement l’obligation d’accomplir les fonctions et la sanction de la démission d’office applicable :
« un conseiller municipal qui s’est abstenu de remplir cette fonction, même de façon persistante, ne peut être déclaré démissionnaire d’office que si le maire lui a enjoint d’exécuter cette fonction en l’ayant averti du risque qu’il encourt d’être déclaré démissionnaire d’office avec, comme conséquence, de ne plus pouvoir être réélu dans le délai d’un an » (CAA Versailles, 25 novembre 2021, n°21VE02668 ou encore CE, 20 février 1985, Behuret, n°62778).
- – être distinct de la convocation initialement adressée au conseiller municipal. En pratique, il est préconisé de faire deux envois distincts à l’élu.
- – être adressé dans un délai raisonnable permettant à l’intéressé d’exercer ses fonctions.
L’impossible démission d’office en cas d’excuse valable fournie par le conseiller municipal
L’article L.2121-5 du CGCT le précise, la démission d’office doit intervenir sauf excuse valable du conseiller municipal l’empêchant d’exercer ses missions dévolues par la loi.
Autrement dit, dans le cas où le conseiller municipal est susceptible de justifier son refus par une excuse valable, la démission d’office ne pourra pas être prononcée.
Mais qu’est-ce une excuse valable ?
Bien évidemment, il convient, pour se faire une idée, de se tourner vers la jurisprudence administrative.
A titre d’exemple, il a été jugé que « des raisons personnelles » ou « des charges de famille » non expliquées ni dument justifiées ne sont pas considérées comme des excuses valables (CE, 21 mars 2007, n°278438).
De même, un motif médical non étayé avec certitude et réalité ne saurait être considéré comme une excuse valable (CAA Bordeaux, 9 septembre 2022, 22BX01576).
En revanche, les raisons personnelles, à savoir la réservation de billets d’avion et d’une location de vacances effectuées par les enfants de l’élu comme cadeau d’anniversaire pour son épouse, constituent une excuse valable (CAA Bordeaux, 9 septembre 2022, n° 22BX01656).
Quels enseignements en tirer sur la procédure de démission d’office d’un conseiller municipal ?
L’excuse valable est une excuse précisément justifiée et étayée par des éléments factuels réels.
Le contrôle du juge administratif sur l’excuse valable est stricte au point où l’excuse valable pourrait se rapprocher, sous certains aspects, d’une quasi force majeure.
En effet, dans sa décision n° 22BX01656, qu’aurait jugé la Cour administrative d’appel de Bordeaux s’il ressortait des pièces du dossier que :
- – les billets étaient annulables ou modifiables sans grandes conséquences financières ;
- – les billets avaient été pris après la publication du calendrier électoral ?
La décision aurait surement été toute autre, sinon la Cour n’aurait pas pris la peine de viser ces deux circonstances.
En tout état de cause, si la démission d’office d’un conseiller municipal peut être prononcée dans le cas où l’élu refuse d’exercer ses missions, il n’en demeure pas moins que cette sanction, particulièrement grave, ne saurait intervenir sans le respect d’une stricte procédure formelle.
Il ne faut, donc, en la matière éviter tout excès et décisions hâtives.