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Des critères RSE c’est bien. Des critères RSE en lien avec l’objet du marché c’est mieux

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RSE

Insérer un critère RSE dans un marché public, c’est dans l’air du temps. C’est même prévu par le code de la commande publique.

Mais attention, on ne peut pas tout faire.

Une société candidate évincée d’un marché de fourniture de lumières plateaux pour un opérateur télévisuel nous avait saisis pour faire annuler la procédure de passation qu’il estimait viciée.

Le critère RSE, notamment, lui semblait irrégulier. C’est ainsi que nous avons introduit un référé précontractuel devant le Tribunal judiciaire de Paris, pour contester la procédure de passation de ce marché privé passé par un pouvoir adjudicateur.

Mais d’abord quelques rappels.

Critères RSE : qu’est-ce-que c’est ?

Avant toute chose, traduction : RSE signifie responsabilité sociale des entreprises ou responsabilité sociétale des entreprises, au choix.

Le contexte : vous passez un marché public. Vous devez déterminer quels critères de choix vous permettront de choisir l’entreprise attributaire de votre marché public.

Avant d’être acheteur public, vous êtes un citoyen et vous souhaiteriez que l’entreprise titulaire de votre marché public dispose de procédure garantissant qu’elle agit de façon responsable.

Vous souhaiteriez noter la démarche mise en place par les entreprises candidates et donc insérer un ou plusieurs critères RSE dans votre marché.

Et concrètement ? 

Et bien concrètement, il s’agit de la responsabilité de l’entreprise à l’égard de son impact sur l’environnement ou la société.

Et l’inclusion de cette préoccupation dans vos marchés publics aboutit à utiliser l’ancienne terminologie, bien connue : les critères sociaux et environnementaux ou les conditions d’exécution.

Critère ou condition d’exécution légal dans un marché public : quelles contraintes ?

Un critère de choix c’est ce qui permet de noter et classer les offres remises par les candidats à l’attribution du marché public et, ainsi, retenir l’offre économiquement la plus avantageuse pour répondre à votre besoin.

Une condition d’exécution est une contrainte imposée au futur titulaire du marché public au stade de l’exécution du marché.

Critères de choix et conditions d’exécutions ont des traits communs : ils ne peuvent pas être discriminatoires et doivent être liés à l’objet du marché.

C’est l’article L.2112-2 du code de la commande publique le prévoit pour les conditions d’exécution : 

« Les clauses du marché précisent les conditions d’exécution des prestations, qui doivent être liées à son objet.
Les conditions d’exécution peuvent prendre en compte des considérations relatives à l’économie, à l’innovation, à l’environnement, au domaine social, à l’emploi ou à la lutte contre les discriminations 
».

C’est l’article R.2152-7 du code de la commande publique qui le prévoit pour les critères de choix des offres :

« Pour attribuer le marché au soumissionnaire ou, le cas échéant, aux soumissionnaires qui ont présenté l’offre économiquement la plus avantageuse, l’acheteur se fonde : (…)

2° Soit sur une pluralité de critères non-discriminatoires et liés à l’objet du marché ou à ses conditions d’exécution, parmi lesquels figure le critère du prix ou du coût et un ou plusieurs autres critères comprenant des aspects qualitatifs, environnementaux ou sociaux (…) »

C’est bien souvent sur le lien avec l’objet du marché que les acheteurs publics trébuchent.

Comment le juge applique-t-il ces principes aux critères RSE ?

Critère RSE et lien avec l’objet du marché public

La notion de lien avec l’objet du marché public n’est pas aussi simple qu’elle ne le paraît.

C’était notamment ce que reprochait notre client à la procédure de passation.

Le Conseil d’État analyse, d’une façon générale, cette exigence de lien avec l’objet du marché de la façon suivante pour les critères RSE :

« 7. Considérant qu’il résulte de ces dispositions que si l’acheteur peut, pour sélectionner l’offre économiquement la plus avantageuse, mettre en œuvre des critères comprenant des aspects sociaux, c’est à la condition, notamment, qu’ils soient liés à l’objet du marché ou à ses conditions d’exécution ; qu’à cet égard, des critères à caractère social, relatifs notamment à l’emploi, aux conditions de travail ou à l’insertion professionnelle des personnes en difficulté, peuvent concerner toutes les activités des entreprises soumissionnaires, pour autant qu’elles concourent à la réalisation des prestations prévues par le marché ; que ces dispositions n’ont, en revanche, ni pour objet ni pour effet de permettre l’utilisation d’un critère relatif à la politique générale de l’entreprise en matière sociale, apprécié au regard de l’ensemble de son activité et indistinctement applicable à l’ensemble des marchés de l’acheteur, indépendamment de l’objet ou des conditions d’exécution propres au marché en cause » (CE, 25 mai 2018, n°417580).

Dans cette même décision, l’utilisation d’un critère « performance en matière de responsabilité sociale » avait été censurée par le Conseil d’État.

Le critère était décomposé en cinq sous-critères : « protection de l’environnement », « aspects sociaux », « aspects sociétaux », « performance économique durable » et « aspects gouvernance ».

Le Conseil d’État estime que ce critère est illégal car il « ne concerne pas seulement les conditions dans lesquelles les entreprises candidates exécuteraient l’accord-cadre en litige mais porte sur l’ensemble de leur activité et a pour objectif d’évaluer leur politique générale en matière sociale, sans s’attacher aux éléments caractérisant le processus spécifique de réalisation des travaux d’impression prévus par le contrat ».

Ce que nous avons obtenu pour notre client

Le juge a suivi notre raisonnement et annulé la procédure de passation dont notre client avait été évincé.

Le juge a constaté qu’un critère RSE avait été inséré dans la procédure et qu’il comprenait sept sous-critères : 

  • adhésion de l’entreprise à un pacte mondial, 
  • politique RSE d’entreprise, 
  • politique d’entreprise en matière de conditions de travail, 
  • garantie de ce que les produits ou services de l’entreprise ne proviennent pas de travail d’enfants ou toute autre violation des droits de l’homme, 
  • politique environnementale, 
  • absence de sanction dans les 5 dernières années pour une violation d’une loi environnementale sur un des produits ou service objet de la mise en concurrence,
  • politique Achats responsables d’entreprise.

Le Tribunal estime que ces sous-critères sont manifestement « sans lien avec l’objet ou les conditions particulières d’exécution du marché. Elles portent sur la « politique RSE » de l’entreprise candidate (…) sans faire le lien entre ces normes se déclinant sur un mode incitatif et l’attribution du lot « Lumière Plateaux » » (voir la décision ici).

Le critère est donc illégal.

Le Tribunal vérifie encore, conformément à la jurisprudence bien établie (CE, 3 octobre 2008, SMIRGEOMES, n°305420) que cette illégalité était susceptible d’avoir lésé notre client.

Sur ce point, le Tribunal relève que, en décomptant du total général la note obtenue pour le critère RSE litigieux, notre client aurait alors figuré parmi les cinq titulaires du lot.

Nous avons donc obtenu l’annulation de la procédure de passation et 3000 euros de frais irrépétibles pour notre client.

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