Aller au contenu

Marchés publics : attention à l’impartialité de la procédure de passation quand la SEM locale candidate

Partager sur facebook
Partager sur twitter
Partager sur linkedin
Partager sur email
Offre d'une SEM locale : attention à l'impartialité de la procédure de passation

C’est une question fréquente au sein des collectivités territoriales : a-t-on le droit de notifier un marché public à sa société d’économie mixte (SEM) ?

Réponse : oui.

Les collectivités territoriales ont le droit d’attribuer des marchés publics à leur SEM. Mais, attention, pas dans n’importe quelle condition.

Une commune varoise avait décidé de mener un projet de démolition – reconstruction d’un groupe scolaire.

La commune a souhaité être accompagnée dans cette opération par un mandataire de maîtrise d’ouvrage. 

La commune a donc lancé une procédure de passation, en appel d’offres ouvert, pour sélectionner ce mandataire de maîtrise d’ouvrage.

La commission d’appel d’offres a eu à analyser plusieurs offres, dont celle de notre cliente, une société publique locale (SPL).

Une SEM, dont la commune est actionnaire et dont le maire est administrateur, avait également participé à la procédure de passation lancée pour l’attribution de ce marché public.

La candidature de notre cliente, la SPL, a été rejetée au profit de celle de cette SEM dont le maire est administrateur.

Pensant identifier plusieurs illégalités et anomalies dans la procédure, la société publique locale nous a saisis.

Nous allons nous attarder sur l’une de ces illégalités, celle qui nous a valu la victoire.

Impartialité du marché public attribué à la SEM locale : quel est l’état du droit ?

Faisons, avant d’arriver à la décision rendue par le tribunal administratif de Toulon, un état des lieux des règles de droit.

L’article L.1524-5 du code général des collectivités territoriales formule une interdiction à l’endroit des élus de collectivités territoriales agissant en tant que mandataires des collectivités territoriales au sein des organes dirigeants d’une entreprise publique locale.

Ils « ne peuvent participer aux commissions d’appel d’offres ou aux commissions d’attribution de délégations de service public de la collectivité́ territoriale ou du groupement lorsque la société́ d’économie mixte locale est candidate à l’attribution d’un marché public ».

C’est logique.

C’est la même logique que celle conduisant les rédacteurs du code pénal à prohiber la prise illégale d’intérêt (article 432-12 du code pénal). Nous avions déjà écrit au sujet du risque pour l’élu membre d’une entreprise publique locale lors du vote d’une délibération

C’est la même logique que lorsqu’un marché public est conclu avec l’entreprise d’un parent du maire d’une collectivité, lorsque ce dernier participe à la conduite de la procédure de passation du marché public (Conseil d’État, 3 novembre 1997, Préfet de la Marne, n°148150).

Le principe d’impartialité dans les marchés publics constitue par ailleurs un principe général du droit « dont la méconnaissance est constitutive d’un manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence ».

Ce principe s’impose à toutes les collectivités territoriales lorsqu’elles passent leurs marchés publics (Conseil d’État, 14 octobre 2015, Région Nord-Pas-de-Calais, n°390968 : il s’imposait déjà sous l’empire du code des marchés publics donc).

Et, dans un arrêt du 25 novembre 2021, le Conseil d’Etat a rappelé l’importance du respect du principe d’impartialité dans la procédure de passation d’un contrat de la commande publique.

« L’existence d’une situation de conflit d’intérêts au cours de la procédure d’attribution du marché est constitutive d’un manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence susceptible d’entacher la validité du contrat ».

(Conseil d’État, 25 novembre 2021, n° 454466).

Et, la méconnaissance de ce principe d’impartialité est par elle-même constitutive d’un vice d’une particulière gravité qu’elle justifie l’annulation du contrat à l’exclusion de toute autre mesure (Conseil d’État, 25 novembre 2021, n° 454466).

Dans cette espèce, le manquement au principe d’impartialité résultait du fait que la personne en charge du suivi de la procédure de passation soit, en charge notamment de fournir des renseignements techniques aux candidats, avait exercé des fonctions d’ingénieur-chef de projet au sein de la société attributaire et cela trois mois avant l’attribution du marché.

Pour caractériser le manquement au principe d’impartialité, le Conseil d’Etat souligne que :

  • – cet agent s’est vu remettre les plis « en vue de leur analyse au regard des critères de sélection des candidatures et des offres« .

  • – si cet agent n’était pas l’un des cadres dirigeants de la société attributaire, il occupait des fonctions de haut niveau au sein de sa représentation locale, fonctions en relation directe avec le contenu du marché.

Dans ces conditions, la participation de cet agent « à la procédure de sélection des candidatures et des offres pouvait légitimement faire naître un doute sur la persistance d’intérêts » le liant à la société NXO France et par voie de conséquence sur l’impartialité de la procédure suivie par la collectivité de Corse  » (Conseil d’État, 25 novembre 2021, n° 454466).

Notre conseil pour respecter l’impartialité de la procédure de passation

La synthèse, à appliquer à la passation des marchés publics, est la suivante :

Conseil n°1 : les élus de collectivités territoriales, également administrateurs de SEM, ne peuvent participer à la commission d’appel d’offres lorsque la SEM, qu’ils administrent, a déposé une candidature pour le marché public dont il est question.

Ils ne peuvent, de façon générale, pas prendre une part active à la procédure de passation du marché public :

-> pas de préparation du marché public,

-> pas d’analyse des offres,

-> pas de participation à la négociation des offres lors de la procédure de passation…

Conseil n°2 : le maire administrateur de SEM et la commune doivent, à tout moment, être impartiaux lorsque leur SEM candidate à l’attribution d’un marché public de la commune.

Notre angle d’attaque : le manquement au principe d’impartialité dans les marchés publics

Dans cette affaire, nous avons démontré que le maire :

-> est administrateur de la SEM attributaire du marché public ;

-> a pris une part active à la procédure de passation du marché public ;

-> a assisté au conseil d’administration de notre cliente, une SPL dont il également administrateur. Ce conseil d’administration s’est tenu pendant la durée du référé précontractuel. Et à cette occasion le maire a tenté d’user de son influence pour faire retirer, par la SPL, le référé précontractuel introduit. Cette tentative visait à préserver les intérêts de la SEM et de sa commune.

Nous avons donc démontré que dans le cadre de cette procédure d’appel d’offres ouvert, il y avait des intérêts communs et convergents entre le maire et l’attributaire.

Il était, par ailleurs, acquis que le principe d’impartialité dans les marchés publics n’était pas respecté.

En effet, à la fois l’implication du maire et son comportement faisaient naître un doute légitime sur l’impartialité communale dans la conduite de la procédure de passation du marché public.

Ce que nous avons obtenu pour notre cliente

En l’espèce, nous avons soutenu plusieurs moyens. 

Ainsi, nous avons, également, démontré, notamment, que le marché public aurait dû être alloti, que la méthode de notation des offres était gravement illégale.

Mais c’est ce premier moyen, relatif à la violation du principe d’impartialité, qui a emporté la conviction du tribunal administratif de Toulon.

Rappelons que, hors contentieux de l’urbanisme, le principe d’économie des moyens fait que le juge administratif ne s’attarde pas sur les autres moyens soulevés, dès lors que l’un d’entre eux suffit à annuler l’acte attaqué ou, comme ici, la procédure de passation contestée.

Dans sa décision du 31 mai 2021, le tribunal administratif a estimé :

L’« attitude et les fonctions d’administrateur de M. X au sein de la société Y peuvent légitimement faire naître un doute sur la persistance d’intérêts communs entre le pouvoir adjudicateur et la société attributaire du marché en litige et, par voie de conséquence, sur l’impartialité de la procédure suivie par la commune Z. Il était au demeurant loisible à la commune, qui avait connaissance de la qualité d’administrateur de son maire dans la société Y, de mettre en œuvre, une fois connue la candidature de cette société, toute mesure en vue de lever ce doute légitime, par exemple en écartant son premier élu de la procédure en litige. Dans ces conditions, la commune Z a méconnu ses obligations de publicité et de mise en concurrence. » 

Nous avons obtenu l’annulation de la procédure de passation du marché public dont avait été évincée notre cliente et la condamnation de la commune au paiement de 2000 euros de frais irrépétibles.

On en parle ?

Dites-nous tout, par email (accueil@richeravocats.fr) ou via le formulaire ci-dessous !

Pour en savoir plus sur la gestion de vos données personnelles et pour exercer vos droits, consultez notre Politique de confidentialité