La problématique de l’occupation, ou de l’empiètement, sur la propriété d’une personne publique appelle d’abord une interrogation : est-ce le domaine public ou le domaine privé qui est occupé ?
En effet, la domanialité des parcelles en cause affecte le régime juridique applicable.
Comment savoir si nous sommes sur le domaine public ou privé ? La clef pour résoudre cette question est à rechercher dans l’affectation, passée, actuelle ou future du bien.
Avant d’identifier la stratégie à mener face à l’occupation d’une propriété d’une personne publique : identifier le régime juridique
Des régimes juridiques différents selon la domanialité des biens occupés
Si le bien occupé appartient au domaine public de la personne publique
Le domaine public est inaliénable et imprescriptible (article L. 3111-1 du code général des propriétés des personnes publiques).
En vertu de ces principes, aucun risque ne pèse sur la personne publique.
En effet :
- – aucune cession n’est possible sans désaffectation et déclassement préalable ;
- – la prescription acquisitive ne peut donc pas jouer.
La personne publique propriétaire du terrain pourra toujours récupérer la pleine possession de son domaine public (procédure amiable ou procédure judiciaire).
Si le bien occupé appartient au domaine privé de la personne publique
Tout change, la situation est moins favorable pour la personne publique.
Le domaine privé de la personne publique est régi par les règles du code civil.
Autrement dit, dans ce cas, les principes d’inaliénabilité et d’imprescriptibilité ne s’appliquent pas.
Les principes de la prescription acquisitive s’appliquent donc sur le domaine privé, ce qui crée un risque certain :
« Le délai de prescription requis pour acquérir la propriété immobilière est de trente ans.
Toutefois, celui qui acquiert de bonne foi et par juste titre un immeuble en prescrit la propriété par dix ans. » .
(article 2272 du Code civil)
Et la jurisprudence judiciaire admet de manière constante l’application de la prescription acquisition sur le domaine privé des personnes publiques :
« Attendu, d’une part, qu’ayant relevé que la parcelle litigieuse se situait au croisement de deux chemins ruraux et qu’il n’était justifié d’aucune décision expresse de son classement dans le domaine public communal, la cour d’appel, qui n’a pas dénaturé les documents produits et ne s’est pas contredite, en a exactement déduit que cette parcelle faisait partie du domaine privé de la commune et pouvait faire l’objet d’une prescription acquisitive ;
Attendu, d’autre part, qu’ayant constaté que Mme X…disposait d’un juste titre et souverainement retenu qu’elle avait possédé de bonne foi la parcelle litigieuse pendant plus de dix ans de manière continue, non interrompue, paisible, publique, non équivoque et à titre de propriétaire, la cour d’appel en a déduit, à bon droit, sans être tenue d’effectuer une recherche que ses constatations rendaient inopérante, qu’elle en était devenue propriétaire par usucapion ; » .
(Cour de cassation, 3e ch. civ., 5 février 2013, Mme Y. c/Mme X., n°11-28299)
Dès lors, la prescription acquisitive confère au possesseur, sous certaines conditions, un titre de propriété correspondant à une situation de fait qui n’a pas été contestée dans les délais.
Encore faut-il que les riverains puissent démontrer « une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque, et à titre de propriétaire » (article 2261 du code civil).
Il existe ainsi un réel risque dans le cas où le bien relève du domaine privé, car les propriétaires sont susceptibles de pouvoir revendiquer la propriété en introduisant une action judiciaire.
En pratique, face à une telle occupation, quelles actions peuvent mener le propriétaire personne publique ?
Domaine public ou domaine privé, il faut, en pratique, sécuriser la propriété de la personne publique en récupérant la pleine possession des parcelles litigieuses.
Dans un premier temps, sans s’interroger sur la domanialité des parcelles concernées, il faut lancer une procédure amiable auprès des riverains pour qu’ils cessent leur occupation.
Dans un second temps, si la voie amiable n’a pas fonctionné, la voie judiciaire devra être mise en œuvre. La procédure dépendra de la domanialité des parcelles en cause.
L’occupation d’une propriété publique d’une personne publique
S’il n’existe aucune délimitation formelle, c’est à dire un acte administratif unilatéral fixant les limites des parcelles communales du domaine public concerné, il est conseillé d’en prendre un.
Cet acte permettra d’obtenir l’expulsion des riverains qui empiètent, occupent le domaine public.
Bien évidemment, une telle délimitation n’est pas nécessaire pour obtenir l’expulsion des occupants.
L’expulsion peut être sollicitée devant le tribunal administratif dès lors que les limites des différentes parcelles peuvent être prouvées avec certitude. Dans le cas où une urgence est caractérisée, le recours au référé mesures utiles peut être envisagé (article L. 521-3 du code de justice administrative).
Bien évidemment, avant toute chose, une procédure amiable est conseillée : d’expérience, une telle procédure permet, en pratique, de régler la situation dans la plupart des cas.
L’occupation d’une propriété privée d’une personne publique
Si les riverains refusent de quitter les lieux et revendiquent la propriété, un bornage amiable, et le cas échéant judiciaire, doit être mis en œuvre.
Il faudra, alors, saisir le tribunal judiciaire en cas de blocage et d’opposition de la part des riverains.
Autrement dit, toujours identifier la domanialité de la parcelle concernée pour identifier les actions à mener.