Une chute ou un pneu crevé à cause d’un nid de poule ça fait mal, agace et ça peut coûter cher. Autant de raisons, pour la victime, de rechercher la responsabilité du coupable idéal qu’est la ville.
Sauf que rien n’est automatique. La ville n’a pas systématiquement à indemniser.
Suivez le guide.
Le régime de responsabilité en cas d’accident causé par un nid de poule
Le régime applicable est celui de la responsabilité pour défaut d’entretien normal de l’ouvrage public.
C’est ici l’usager (le piéton ou le conducteur) de l’ouvrage public (la route) qui subit le dommage.
C’est donc un régime de responsabilité pour faute présumée de la ville.
La faute présumée est ici un défaut d’entretien de l’ouvrage public qu’est la route.
Il y a donc une présomption de faute pesant sur la ville, laquelle pourra renverser la présomption pour se dégager de toute responsabilité.
Dans ce contexte, la victime de l’accident sur le nid de poule aura à démontrer :
– son préjudice ;
– le lien de causalité entre son préjudice et la faute de la ville.
Un défaut d’entretien normal de la route…oui mais c’est quoi l’entretien normal ?
La ville ne peut pas tout.
La ville ne peut pas avoir un agent de ses services techniques contrôlant en permanence l’état de chaque rue.
La ville ne peut pas reboucher un nid de poule dans les 10 minutes de son signalement.
Sa responsabilité peut être engagée si elle était « en mesure d’en prévoir ou d’en prévenir l’apparition ou l’aggravation » (CE, 20 avril 1977, n°02770).
Le juge vérifiera donc, au cas par cas :
- Si l’attention de la ville avait été attirée sur la formation de nid de poule (CE, 20 avril 1977, n°02770, précité, ou, pour un signalement du désordre après l’accident seulement, CAA Bordeaux, 27 février 1992, n°90BX00724) ;
- Le temps de réaction de la ville : a-t-elle eu le temps nécessaire pour y porter remède ? (CAA Lyon, 2 juin 1993, n°91LY00904) ;
- La profondeur des nids de poule (par exemple : CE, 18 décembre 1987, n°60204) ;
- L’absence de signalisation des nids de poule (CE, 18 décembre 1987, n°60204, précité).
La présence d’un nid de poule ne révèle donc pas nécessairement un défaut d’entretien normal de l’ouvrage public qu’est la route.
C’est cependant à la ville de renverser la présomption de responsabilité qui pèse sur elle lorsque survient un accident : le défaut d’entretien normal est présumé.
Qui devait entretenir la route ?
Ce n’est pas parce que la route avec nid de poule est sur le territoire d’une ville que c’est obligatoirement cette dernière qui en est le gestionnaire.
Il faut toujours vérifier qui est le gestionnaire de l’ouvrage routier à l’origine du dommage :
- La ville ;
- Un établissement public de coopération intercommunale auquel a été transférée la compétence voirie ;
- Le département.
Se tromper c’est risquer de perdre son temps et son argent (voir, pour un arrêt que nous avons obtenu : CAA Marseille, 7 avril 2021, 19MA01071).
Le lien de causalité entre le nid de poule et les dommages
La victime devra prouver que c’est bien l’état de la route qui a causé son accident.
La preuve du lien de causalité
Évidemment, la seule affirmation selon laquelle c’est le nid de poule, l’état de mauvais entretien de la route donc, qui a causé l’accident ne suffira pas.
La parole de la personne formulant une réclamation ne suffit pas pour engager la responsabilité de la ville.
Elle devra prouver le lien de causalité entre les dommages subis et le défaut d’entretien normal de la route.
Il faudra donc, par exemple : un rapport de police précis, accréditant sa version de l’accident, des témoignages cohérents…
Le juge refusera de reconnaître l’existence du lien de causalité face à une version non crédible dans la réclamation :
« que Mme X… reconnaît, elle-même, ne plus se souvenir des circonstances de cet accident ; que les procès-verbaux de police établis le jour même, ne mentionnent pas l’existence de cette défectuosité et indiquent au contraire que la chaussée était « en bon état » ; que Mme X… se borne à produire des témoignages non concordants faisant état de trous dont ils ne précisent ni l’emplacement ni les dimensions ; que le lien de causalité entre l’accident et l’état de la voie publique n’est donc pas établi » (CE, 2 mai 1990, n°58869).
La faute de la victime
En toute logique, il faut vérifier que la personne cherchant à engager la responsabilité de la ville pour la présence d’un nid de poule n’est pas elle-même responsable de son accident.
La réclamation n’aboutira pas ou la responsabilité de la ville sera atténuée si l’auteur de la réclamation est entièrement ou partiellement responsable de son accident.
Quelques exemples :
- Le conducteur qui s’engage, en plein jour, sur un chemin tombé en désuétude et présentant un mauvais état de viabilité évident, sans adapter sa conduite, est responsable de son accident (CE, 7 juin 1989, n°72193) ;
- La responsabilité de la collectivité est atténuée lorsque le conducteur accepte de faire s’asseoir deux passagers à l’avant dans des conditions ne lui permettant pas d’assurer la maîtrise de son véhicule (CE, 7 mars 1969, n°75250) ;
- Sera partiellement responsable de son préjudice le motard ayant chuté sur un nid de poule et subi un traumatisme crânien, mais qui ne portait pas de casque au moment de la chute (CE, 18 décembre 1987, n°60204) ;
- Le cycliste qui roule vite, en descente, sur une route étroite, sinueuse, dans une zone boisée, à la visibilité limitée et qu’il ne connaît pas, commet une imprudence atténuant la responsabilité de la personne publique (CAA Nancy, 18 mars 2010, n°09NV00656).
L’engagement de la responsabilité de la ville par le piéton, le conducteur de deux roues ou l’automobiliste est donc loin d’être évident.
Ajoutons à cela les règles procédurales (représentation obligatoire, règles de compétence, règles régissant la liaison du contentieux…) : ce sont autant de raisons de ne pas prendre ce type de contentieux à la légère !