Compétente en matière d’aménagement de l’espace communautaire, notre cliente, une métropole a saisi l’occasion des travaux menés sur les réseaux par une de ses communes membres, pour mener une opération de rénovation des voies urbaines, intégrant son obligation de réaliser des aménagements cyclables.
La Métropole a mené plusieurs réunions publiques pour associer au projet les administrés et riverains.
Une association locale a, alors, saisi, dans un premier temps, notre cliente pour demander à ce que le projet de rénovation des voies soit revu afin d’y intégrer des aménagements cyclables.
La Métropole n’a pu donner de suite à cette demande de l’association, puisque le projet finalisé prévoyait bien la matérialisation d’espaces cyclables par marquage au sol. Autrement dit, le projet intégrait déjà des aménagements cyclables, comme souhaité par l’association et la demande était sans objet.
Pourtant, l’association a, de nouveau, sollicité notre cliente en affirmant, désormais, que la matérialisation d’espaces cyclables par marquage au sol violait les dispositions légales applicables.
Poursuivant sa contestation du projet, l’association a, dans un second temps, saisi le tribunal administratif d’Orléans pour demander :
– l’annulation du projet ;
– la condamnation de notre cliente au versement d’une astreinte de 500 euros par jour de retard ;
– la condamnation de notre cliente au versement de la somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
L’enjeu juridique : démontrer le parfait respect du code de l’environnement
Aux termes de l’article L. 228-2 du code de l’environnement :
« A l’occasion des réalisations ou des rénovations des voies urbaines, à l’exception des autoroutes et voies rapides, doivent être mis au point des itinéraires cyclables pourvus d’aménagements prenant la forme de pistes, de bandes cyclables, de voies vertes, de zones de rencontre ou, pour les chaussées à sens unique à une seule file, de marquages au sol, en fonction des besoins et contraintes de la circulation. Lorsque la réalisation ou la rénovation de voie vise à créer une voie en site propre destinée aux transports collectifs et que l’emprise disponible est insuffisante pour permettre de réaliser ces aménagements, l’obligation de mettre au point un itinéraire cyclable peut être satisfaite en autorisant les cyclistes à emprunter cette voie, sous réserve que sa largeur permette le dépassement d’un cycliste dans les conditions normales de sécurité prévues au code de la route.
Le type d’aménagement de ces itinéraires cyclables doit tenir compte des orientations du plan de mobilité, lorsqu’il existe ».
Le tribunal rappelle, dans son jugement, la teneur de l’obligation pesant sur les propriétaires de voiries urbaines, notamment les collectivités territoriales.
Ainsi, à l’occasion de travaux constitutifs de réalisation ou de rénovation de voies urbaines, une obligation de mettre au point des itinéraires cyclables pourvus d’aménagements adaptés pèse sur le propriétaire de la voirie.
Ces aménagements peuvent, en fonction des besoins et contraintes de la circulation, être réalisés sous forme de bandes cyclables.
Une lecture des dispositions de l’article L. 228-2 finalement conforme à la jurisprudence, qui rappelle régulièrement la force de l’obligation de prévoir des aménagements cyclables lors de travaux de rénovation de voies urbaines (en ce sens, CAA Lyon, 28 juillet 2003, Allain et association roulons en ville à vélo, n°99LY02169 ou encore CAA Nantes, 30 avril 2019, n° 17NT00346).
Les dérogations ne sont qu’exceptionnellement admises, sous le contrôle du juge administratif.
La création de bandes cyclables par marquage au sol : un aménagement cyclable non constitutif d’une erreur de droit, de fait ou d’appréciation
Dans sa requête, l’association contestait la réalisation d’une bande cyclable, considérant qu’un tel aménagement était, donc, contraire à l’obligation tirée de l’article L. 228-2 du code de l’environnement.
Pour autant, le postulat de l’association reposait, finalement, sur une erreur sémantique.
En effet, ni la jurisprudence ni les dispositions du code de l’environnement n’excluent, pour respecter l’obligation de prévoir un aménagement cyclable, la réalisation de bandes cyclables.
Au contraire, la matérialisation d’une bande cyclable sur la voirie, quand bien même cette dernière ne serait pas constitutive d’une piste cyclable, c’est-à-dire, la chaussée exclusivement réservée aux vélos (article R. 110-2 du code de la route), est parfaitement conforme à l’article L. 228-2 du code de l’environnement.
L’article L. 228-2 du code de l’environnement n’impose pas la création d’une voie réservée exclusivement aux cyclistes, mais simplement, d’un itinéraire cyclable, dont la teneur et les caractéristiques dépendent des besoins et des contraintes de la circulation.
En l’espèce, les besoins et les contraintes de la circulation empêchaient de réserver une portion de la voirie à l’usage exclusif des cyclistes :
– emprise totale de la voie publique ;
– nature des aménagements retenus (trottoirs accessibles aux personnes à mobilité réduite, places de stationnement, mise en place de dispositifs destinés à réduire la vitesse des véhicules …).
Partant, le tribunal administratif d’Orléans a validé le projet d’aménagement cyclable arrêté par la Métropole.
Ce que nous avons obtenu pour notre cliente
Si l’enjeu financier était, en apparence, quasi inexistant, ce contentieux était crucial pour notre cliente et sa commune-membre. En effet, il s’agissait purement et simplement, pour l’association de s’opposer à un projet d’aménagement, résultant d’une concertation menée avec les administrés et riverains.
A terme, c’est bien la politique d’aménagement des espaces cyclables sur le territoire métropolitain qui était susceptible d’être remis en cause. Ce sont donc des coûts colossaux pour reprendre des travaux et réorganiser l’espace public qui ont été économisés.
Ainsi, notre intervention a permis d’appuyer le projet d’aménagement cycliste et cette décision obtenue pourra être utilement exploitée au regard de l’obligation de prévoir des aménagements cyclables prévus à l’article L. 228-2 du code de l’environnement.
Lire le jugement du tribunal administratif d’Orléans du 24 novembre 2020.
Notre conseil pratique d’avocat
Notre conseil porte évidemment sur la stratégie contentieuse.
En pareille situation, c’est à dire dans le cadre d’un recours initié par une association, il faut toujours vérifier :
– d’une part, l’intérêt à agir de l’association : est-ce que l’objet de l’action judiciaire relève de l’objet social de l’association ?
– d’autre part, la capacité à agir : qui (et dans quelle condition) peut introduire une action judiciaire au nom de l’association ?
Tant en défense qu’en demande ces points doivent être étudiés avec attention, car la recevabilité du recours en découle.