Retour sur un arrêt de la Cour administrative d’appel de Bordeaux de juin dernier dans lequel la Cour se positionne sur la teneur de l’obligation de transparence, lors de la procédure de mise en concurrence des titres d’occupation du domaine public.
En synthèse, la Cour administrative de Bordeaux juge que si l’article L. 2122-1-1 du code général de la propriété des personnes publiques impose des obligations de publicité et mise en concurrence, préalablement à la délivrance d’une autorisation d’occupation du domaine public, pour autant, ces dispositions n’impliquent pas de porter à la connaissance des candidats la pondération ou la hiérarchisation des critères retenus (CAA Bordeaux, 15 juin 2023, n° 21BX02210).
L’obligation de mise en concurrence des titres d’occupation du domaine public
Cette obligation de mise en concurrence résulte des dispositions de l’article L. 2122-1-1 du code général de la propriété des personnes publiques :
« Sauf dispositions législatives contraires, lorsque le titre mentionné à l’article L. 2122-1 permet à son titulaire d’occuper ou d’utiliser le domaine public en vue d’une exploitation économique, l’autorité compétente organise librement une procédure de sélection préalable présentant toutes les garanties d’impartialité et de transparence, et comportant des mesures de publicité permettant aux candidats potentiels de se manifester.
Lorsque l’occupation ou l’utilisation autorisée est de courte durée ou que le nombre d’autorisations disponibles pour l’exercice de l’activité économique projetée n’est pas limité, l’autorité compétente n’est tenue que de procéder à une publicité préalable à la délivrance du titre, de nature à permettre la manifestation d’un intérêt pertinent et à informer les candidats potentiels sur les conditions générales d’attribution ».
Ainsi, sous réserve d’une des dérogations prévues aux articles L. 2122-1-2, L. 2122-1-3 et L. 2122-1-3-1 du code général de la propriété des personnes publiques, l’identification d’une activité économique projetée sur le domaine public impose la mise en œuvre d’une mise en concurrence préalable, comportant toutes les garanties nécessaires d’impartialité et de transparence.
On se rappelle que ces dispositions avaient fait l’objet d’une double précision, notamment, s’agissant de leur absence d’application concernant le domaine privé des personnes publiques, par deux arrêts du Conseil du 2 décembre 2022 (pour lire notre analyse, c’est par ici).
Pour autant, si une obligation de publicité et de mise en concurrence préalable sur le domaine public est, sauf exception s’agissant de la mise en concurrence, sur le domaine public, le législateur n’a pas précisé la nature de la procédure à mettre en oeuvre.
L’élaboration de cette procédure de sélection préalable repose exclusivement sur le propriétaire ou gestionnaire du domaine public.
Seule condition imposée : la procédure mise en oeuvre doit respecter « toutes les garanties d’impartialité et de transparence, et comportant des mesures de publicité permettant aux candidats potentiels de se manifester ».
Précision sur la procédure de mise en concurrence des titres d’occupation du domaine public
Ainsi, dans l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Bordeaux auquel nous nous référons, la Cour adminsitrative apporte une précision importante et utile pour tout propriétaire et gestionnaire du domaine public.
L’exigence d’une mise en concurrence n’implique pas une transparence à tous les niveaux
Dans le cadre d’une procédure de mise en concurrence, le juge administratif conclue que les dispositions de l’article L. 2122-1-1 du code général de la propriété des personnes publiques :
« n’impliquent pas de porter à la connaissance des candidats la pondération ou la hiérarchisation des critères retenus » (CAA Bordeaux, 15 juin 2023, n° 21BX02210).
Néanmoins, la mise en oeuvre de garanties d’impartialité et de transparence, dans le cadre de ces procédures, commandent notamment, d’apporter aux candidats, avant le dépôt de leurs offres, une information sur les critères de sélection des offres (CAA Bordeaux, 15 juin 2023, n° 21BX02210).
Dans le prolongement de cet arrêt de la Cour administrative de Bordeaux, quelques Tribunaux administratifs sont venus apporter leur pierre à cet édifice jurisprudentiel encore récent.
Sur le même sujet, le Tribunal administratif de Lyon a jugé que les dispositions de l’article L. 2122-1-1 du code général de la propriété des personnes publiques n’impliquent pas de porter à la connaissance des candidats la composition du jury chargé de d’examiner les offres et les modalités de délibération de ce jury :
« En deuxième lieu, si les dispositions citées au point 6 impliquent des obligations de publicité et mise en concurrence préalablement à la délivrance d’une autorisation d’occupation du domaine public permettant l’exercice d’une activité économique et exigent notamment d’apporter aux candidats, avant le dépôt de leurs offres, une information sur les critères de sélection des offres, elles n’impliquent pas de porter à la connaissance des candidats la composition du jury chargé de d’examiner les offres et les modalités de délibération de ce jury ».
(TA Lyon, 26 septembre 2023, n° 2103295)
Et, le Tribunal administratif de Guadeloupe s’est approprié le raisonnement de la Cour administrative de Bordeaux jugeant, ainsi que :
« ces dispositions n’impliquent pas de porter à la connaissance des candidats la pondération ou la hiérarchisation des critères retenus » .
(TA Guadeloupe, 19 octobre 2023, n° 2101654).
Quelles conséquences ?
Si le législateur a dressé les contours de la procédure, le juge administratif vient étoffer son contenu via une procédure ad hoc en cette matière.
Butant sur le silence des textes relatifs à la procédure de mise en concurrence, les personnes publiques ont pu logiquement, dans un premier temps, se référer aux dispositions applicables en matière de commande publique et, notamment, les marchés à procédure adaptée en se rapprochant de la procédure prévue pour les MAPA.
Or, en la matière, l’article R. 2152-11 du code de la commande publique impose la communication de la pondération ou de la hiérarchisation des critères de sélection :
« Les critères d’attribution ainsi que les modalités de leur mise en œuvre sont indiqués dans les documents de la consultation ».
Jusqu’alors, en matière de mise en concurrence, la jurisprudence considérait que :
« Pour assurer le respect des principes de liberté d’accès à la commande publique, d’égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, l’information appropriée des candidats sur les critères d’attribution d’un marché public est nécessaire, dès l’engagement de la procédure d’attribution du marché, dans l’avis d’appel public à concurrence ou le cahier des charges tenu à la disposition des candidats. Dans le cas où le pouvoir adjudicateur souhaite retenir d’autres critères que celui du prix, il doit porter à la connaissance des candidats la pondération ou la hiérarchisation de ces critères. Il doit également porter à la connaissance des candidats la pondération ou la hiérarchisation des sous-critères dès lors que, eu égard à leur nature et à l’importance de cette pondération ou hiérarchisation, ils sont susceptibles d’exercer une influence sur la présentation des offres par les candidats ainsi que sur leur sélection et doivent en conséquence être eux-mêmes regardés comme des critères de sélection. Il n’est, en revanche, pas tenu d’informer les candidats de la méthode de notation des offres ».
(CE, 20 novembre 2020, nº 427761 ou encore pour une solution plus ancienne CE, 26 septembre 2012, n° 359389).
La posture de la Cour administrative d’appel de Bordeaux, dans l’arrêt rapporté, étonne donc, à certains égards, puisque justement, dans le cadre des contrats de la commande publique, l’information relative à la pondération ou la hiérarchisation de ces critères est considéré comme participant directement à la préservation de la liberté d’accès à la commande publique, à d’égalité de traitement des candidats ou encore à la transparence des procédures.
On peut donc s’interroger sur le maintien, sur le long terme, de cette position plus souple.
En tant que praticiens du droit public et de la commande publique, nous voyons mal comment la transparence d’une procédure de mise en concurrence n’implique pas, au moins par souci de cohérence, entre les procédures, d’informer les candidats des conditions de hiérarchisation et de pondération des critères de sélection.
Notre conseil pratique : qui doit le moins peut le plus !
Faute, aujourd’hui, de précisions de la part du législation et du Conseil d’Etat, notre recommandation pratique est d’être le plus transparent possible en communiquant la hiérarchisation ou la pondération des critères au candidat, sachant qu’en toute hypothèse ils seront des outils utiles à la notation des offres.
En tout état de cause, nous sommes à votre disposition pour vous accompagner afin de sécuriser vos procédures.