L’article L. 2121-27-1 du code général des collectivités territoriales aménage le droit d’expression des conseillers élus sur une liste autre que celle de la majorité.
Il en résulte la consécration d’un droit d’expression des élus d’opposition, garanti par le juge administratif.
Par un arrêt du 14 avril 2022, le Conseil d’État enterre toute ambiguïté dans l’interprétation de ces dispositions, octroyant un tel droit d’expression aux élus de la majorité.
L’espace réservé à l’expression des élus : un droit garanti aux élus d’opposition
L’article L. 2121-27-1 du code général des collectivités territoriales dispose :
« Dans les communes de 1 000 habitants et plus, lorsque des informations générales sur les réalisations et sur la gestion du conseil municipal sont diffusées par la commune, un espace est réservé à l’expression des conseillers élus sur une liste autre que celle ayant obtenu le plus de voix lors du dernier renouvellement du conseil municipal ou ayant déclaré ne pas appartenir à la majorité municipale.
Les modalités d’application du présent article sont définies par le règlement intérieur du conseil municipal ».
En première lecture, ce texte réserve un espace à l’expression des seuls conseillers élus d’opposition.
Ce droit de l’opposition est consacré par la jurisprudence administratif.
Le juge administratif veille, ainsi, scrupuleusement à son respect, contrôlant que l’espace réservé aux conseillers n’appartenant pas à la majorité municipale présente un caractère suffisant et soit équitablement réparti (CAA Versailles, 13 décembre 2007, n° 06VE00383).
Ce droit d’expression concerne tous les supports constitutifs d’un bulletin d’information qui s’étend, aujourd’hui, à la communication municipale sur les différents réseaux sociaux (Le droit d’expression des élus de l’opposition sur les réseaux sociaux de la commune).
L’espace réservé à l’expression des élus : un droit désormais ouvert aux élus de la majorité
Cette question se pose uniquement au niveau communal puisque dans les départements et les régions, dès lors qu’est diffusé, sous quelque forme que ce soit, un bulletin d’information générale, un espace doit être réservé à l’expression des groupes d’élus qu’ils appartiennent à l’opposition ou à la majorité (article L. 3121-24-1 et L. 4132-23-1 du code général des collectivités territoriales).
L’espace réservé à l’expression des élus de la majorité : un débat en jurisprudence
Les juges du fond ont développé une jurisprudence contradictoire en la matière.
Autrement dit, la jurisprudence administrative n’était jusqu’alors pas définitivement fixée sur le point de savoir si l’espace visé à l’article L.2121-27-1 du code général des collectivités territoriales devait être réservé aux seuls élus de l’opposition ou s’il était réservé à l’expression de tous les élus, y compris, donc, les élus de la majorité.
« Considérant que ni les dispositions de l’article L.2121-27-1 du code général des collectivités territoriales, qui se bornent à imposer de réserver un espace d’expression dédié aux conseillers n’appartenant pas à la majorité municipale, ni les travaux parlementaires préalables à leur adoption, ne font obstacle à ce qu’un tel espace soit également ouvert dans le journal municipal aux élus de la majorité »
(CAA Marseille, 19 janvier 2012, n° 10MA02058 voir également CAA Marseille, 16 décembre 2010, n° 08MA05127).
A noter que dans cette affaire, la Cour administrative d’appel de Marseille annule l’ordonnance du tribunal administratif de Nice qui retenait une lecture différente des dispositions de l’article L. 2121-27-1 du code général des collectivités territoriales :
« qu’il résulte des termes mêmes de ces dispositions, ainsi d’ailleurs que des travaux parlementaires, que l’espace réservé à l’expression des conseillers municipaux n’appartenant pas à la majorité leur est spécifiquement dédié ; que, dès lors, en refusant de renoncer à la parution d’une tribune de la majorité municipale dans « le Petit Roquefortois », le maire de Roquefort les Pins a méconnu les dispositions précitées » (TA Nice, 7 mai 2010, n°0902772).
Et, de son côté, la Cour administrative d’appel de Lyon a pu retenir une lecture encore plus audacieuse de l’article L.2121-27-1 du code général des collectivités territoriales, en jugeant que tout élu doit être regardé comme n’appartenant pas à la majorité municipale, dès lors qu’il exprime publiquement sa volonté de se situer de façon pérenne dans l’opposition, au sens des dispositions précitées :
« Considérant qu’il résulte des dispositions précitées de l’article L. 2121-27-1 du code général des collectivités territoriales qu’il appartient au conseil municipal de déterminer les conditions de mise en oeuvre du droit d’expression des conseillers municipaux d’opposition dans les bulletins d’information générale portant sur les réalisations et la gestion du conseil municipal ; que les conseillers municipaux tenant de leur qualité de membres de l’assemblée municipale le droit de s’exprimer sur les affaires de la commune, tout élu doit être regardé comme n’appartenant pas à la majorité municipale au sens des dispositions précitées, dès lors qu’il exprime publiquement sa volonté, par-delà des désaccords purement conjoncturels ou limités à un sujet particulier, de se situer de façon pérenne dans l’opposition ; qu’enfin l’espace réservé aux conseillers n’appartenant pas à la majorité municipale doit, sous le contrôle de juge, présenter un caractère suffisant et être équitablement réparti »
(CAA de Lyon , 7 mars 2013, n° 12LY01424).
Le Conseil d’État vient, ainsi, trancher ce débat et donner une réponse claire à cette question.
La consécration du droit d’expression des élus de la majorité
Au même titre que les élus de l’opposition, les élus de la majorité peuvent disposer d’un espace réservé en application des dispositions de l’article L.2121-27-1 du code général des collectivités territoriales.
Le Conseil d’État considère que :
« Il résulte de ces dispositions, d’une part, que l’espace réservé à l’expression des conseillers n’appartenant pas à la majorité municipale doit présenter un caractère suffisant et être équitablement réparti eu égard aux caractéristiques de la publication et, d’autre part, qu’elles n’ont pas pour objet d’interdire qu’un espace soit attribué à l’expression des élus de la majorité, sous réserve que cette expression n’ait pas pour effet, notamment au regard de son étendue, de faire obstacle à l’expression des élus n’appartenant pas à la majorité »
(CE, 14 avril 2022, n° 448912).
Partant, si le droit d’expression des élus de la majorité est reconnu dans les bulletins d’information, il n’en demeure pas moins que ce droit ne saurait être mis en œuvre au détriment des droits de l’opposition.
Le droit d’expression des élus de l’opposition doit être préservé.
Le juge administratif doit contrôler que ce droit présente un caractère suffisant et se trouve équitablement réparti eu égard aux caractéristiques de la publication (CE, 14 avril 2022, n° 448912).
En l’espèce, le Conseil d’État juge que le fait de soumettre tous les groupes d’élus aux mêmes règles d’espace d’expression ne crée pas de doute sérieux quant à la légalité de ces dispositions.
Si ce droit est consacré dans le cadre d’une procédure de référé suspension, il est acquis que ce considérant de principe sera transposé dans le cadre de recours en annulation.