Certains sujets évoqués au cours d’un conseil municipal peuvent être polémiques et engendrer un trouble à l’ordre public, de sorte que ce contexte local peut nécessiter de réunir le conseil municipal à huis clos.
Bien évidemment, et de manière plus exceptionnelle, des circonstances extérieures à la vie locale peuvent justifier le recours au huis clos. C’est l’exemple de la crise sanitaire que traverse la France et la nécessité de respecter les gestes barrières pour lutter contre la propagation du Covid-19.
Le régime de droit commun du huis clos : l’article L. 2121-18 du code général des collectivités territoriales
Outre, donc, ce régime dérogatoire et temporaire, le huis clos peut être mis en œuvre en application des dispositions de droit commun du Code général des collectivités territoriales relatives au huis clos.
L’article L. 2121-18 du CGCT dispose que :
« Les séances des conseils municipaux sont publiques.
Néanmoins, sur la demande de trois membres ou du maire, le conseil municipal peut décider, sans débat, à la majorité absolue des membres présents ou représentés, qu’il se réunit à huis clos ».
Le huis clos : une décision relevant de l’exclusive compétence du conseil municipal
L’initiative du huis clos
La procédure de huis clos est à l’initiative du maire ou de trois membres du conseil municipal.
La décision de tenir la séance du conseil municipal à huis clos
Dans tous les cas, donc, que cela soit le maire ou trois membres du conseil municipal qui aient sollicité le huis clos, seul le conseil municipal est compétent pour décider du huis clos.
Le conseil municipal est le seul juge de l’opportunité de siéger à huis clos.
Pour se faire, le conseil municipal vote à la majorité des membres présents ou représentés.
Le respect du formalisme du huis clos est fondamental
La décision de recourir au huis clos est un acte préparatoire, qui ne peut donc faire l’objet de recours (TA Nancy, 24 mai 2011, Mme Villaume, n°1100479).
Pour autant, la délibération adoptée à huis clos pourrait être déclarée illégale en raison d’une illégalité viciant la demande de réunion à huis clos :
« Considérant que, si le procès-verbal de la séance publique tenue par le conseil municipal le 2 mars 1973 mentionne que la décision de suppression de l’emploi de secrétaire général a été prise au cours de cette réunion, il ressort des pièces versées au dossier que cette décision a été prise en fait au cours d’une séance tenue à huis clos qui a précédé immédiatement cette séance publique ; que la séance à huis clos s’est tenue à l’initiative du maire et sans que le conseil municipal ait été appelé à décider, ainsi qu’il lui appartenait seul de le faire en vertu du second alinéa de l’article 30 du Code d’administration communale et selon la procédure prévue par ce texte, s’il se formait en comité secret ; qu’il suit de là que la décision de suppression de l’emploi de secrétaire général de la mairie prise par le conseil municipal est entachée d’illégalité » (CE, 16 juin 1978, Chuyen, n° 05197).
Dès lors, il faut impérativement respecter la procédure de réunion à huis clos.
A défaut, cela entraîne la nullité de la décision de réunir le conseil municipal à huis clos et, en conséquence, l’annulation des différentes délibérations adoptées par le conseil municipal réuni à huis clos.
Les motifs du recours au huis clos
En pratique, aucun domaine de compétence , aucune décision des conseils municipaux n’est exclue du vote à huis clos, qui peut donc toujours être sollicité.
La jurisprudence administrative rappelle bien que les dispositions du code général des collectivités territoriales ne comportent aucune limitation des cas dans lesquels le conseil municipal peut légalement délibérer en huis clos (CE, 17 octobre 1986 Commune de Saint-Léger-en-Yvelines, n°74694)
La seule exclusion est fixée à l’article 432-12 du code pénal. Il s’agit, dans les communes de moins de 3500 habitants, des délibérations portant sur certains rapports d’intérêts autorisés entre des membres du conseil municipal et la commune.
En tout état de cause, le juge administratif contrôle le recours au huis clos afin de vérifier l’absence :
-> de motif matériellement inexact,
-> d’erreur de droit,
-> d’erreur manifeste d’appréciation,
-> de détournement de pouvoir (CE 19 mai 2004, Commune de Vincly, n°248577).
Dès lors qu’un risque de trouble à l’ordre public est avéré, le juge administratif valide le recours au huis clos.
Autrement dit, le trouble doit être avéré et non pas seulement allégué (CE 19 mai 2004, Commune de Vincly, n°248577).
Le huis clos ne doit, en aucun cas, devenir automatique.
Le contrôle du juge administratif permet d’encadrer le recours au huis clos et de le réguler. Le juge administratif est le garant du caractère exceptionnel du huis clos, qui doit toujours être strictement lié aux circonstances particulières et au caractère sensible des affaires traitées au cours d’une séance du conseil municipal.
Le principe reste la publicité des débats du conseil municipal.
En pratique, nous conseillons toujours, pour sécuriser d’autant plus la procédure, de prévoir une délibération spéciale, en début de séance, prenant acte de la décision prise à la majorité absolue des présents ou représentés, sans débat, de tenir la séance à huis clos.
La tenue à huis clos du conseil municipal dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire
Ainsi, dans le cadre de l’urgence sanitaire, le gouvernement a mis en place un dispositif dérogatoire aux termes de l’article 10 de l’ordonnance n° 2020-562 du 13 mai 2020 pour réunir le conseil municipal à huis clos.
Selon ce texte, le maire peut décider, pour assurer la tenue de la séance du conseil municipal dans des conditions conformes aux règles sanitaires en vigueur, que celle-ci se déroulera sans que le public ne soit autorisé à y assister ou en fixant un nombre maximal de personnes autorisées à y assister.
Attention, le caractère public de la réunion est réputé satisfait lorsque les débats sont accessibles en direct au public de manière électronique. Il est, donc, primordial de prévoir une retransmission en direct de la réunion du conseil municipal sous peine d’annulation des délibérations adoptées durant celui-ci.
La mise en œuvre de ce pouvoir du maire doit être mentionné dans la convocation de l’organe délibérant.
En tout état de cause, ce régime de huis clos est dérogatoire. L’article 10 de l’ordonnance prévoit en effet un terme fixé au 30 août 2020, ou, si celui-ci est prolongé au-delà de cette date, pendant la durée de l’état d’urgence sanitaire prévu à l’article L. 3131-12 du code de la santé publique dans les zones géographiques où il reçoit application.
A ce jour, l’état d’urgence sanitaire n’est prorogé jusqu’au 30 octobre 2020 inclus que pour les seuls territoires de la Guyane et de Mayotte.