En vertu des articles L. 134-1 et suivants du nouveau code général de la fonction publique, entré en vigueur le 1er mars 2022, tous les agents publics bénéficient dans l’exercice de leurs fonctions, de la protection fonctionnelle, mise en oeuvre par l’autorité hiérarchique. Mais qu’advient-il lorsque l’agent public demande la mise en oeuvre de la protection fonction fonctionnelle en raison d’actes commis par l’autorité hiérarchique normalement compétente pour statuer sur cette demande de protection ?
La mise en oeuvre du principe d’impartialité donne des clefs de réponse.
Les principes de la protection fonctionnelle due aux agents publics
Définition de la protection fonctionnelle
La protection fonctionnelle consiste, par conséquent, pour l’administration à offrir toutes les mesures de protection et d’assistance aux agents victime d’agression ou plus généralement d’une infraction dans l’exercice de ses fonctions ou en raison de ses fonctions mais également en cas de poursuites judiciaires, civiles et/ou pénales (article L. 134-1 et suivants du code général de la fonction publique).
Quels agents publics peuvent bénéficier de la protection fonctionnelle ?
La protection fonctionnelle s’applique à tous les agents et anciens agents publics (article L. 134-1 du code général de la fonction publique).
Et plus encore, pour la jurisprudence administrative, « cette protection s’applique à tous les agents publics, quel que soit le mode d’accès à leurs fonctions » (CE, 8 juin 2011, n° 312700).
A noter qu’également, le conjoint, le partenaire lié par un pacte civil de solidarité, concubin ou encore les enfants et ascendants peuvent bénéficier de la protection fonctionnelle (article L. 134-7 du code général de la fonction publique).
Quelles situations entrent dans le champ de la protection fonctionnelle due aux agents publics?
La protection fonctionnelle protège, d’une part, l’agent public contre les atteintes volontaires à l’intégrité de sa personne, les violences, les agissements constitutifs de harcèlement, les menaces, les injures, les diffamations ou les outrages dont il pourrait être victime sans qu’une faute personnelle puisse lui être imputée (article L. 134-5 du code général de la fonction publique).
La protection fonctionnelle protège, d’autre part, l’agent public qui fait l’objet de poursuites civiles ou pénales à raison d’une faute qui doit être en lien avec le service (articles L. 134-2 et L. 134-4 du code général de la fonction publique).
L’agent public relève de la protection fonctionnelle tant que les faits en cause ne relèvent pas d’une faute personnelle détachable du service.
Pour rappel, la faute personnelle est :
- – la faute commise par l’agent en dehors du service,
- – la faute commise pendant le service dès lors que le comportement d’une extrême gravité de l’agent public est incompatible avec le service public ou les pratiques administratives normales.
Le traitement de la demande de protection fonctionnelle : la compétence de l’autorité hiérarchique
La demande de protection fonctionnelle est adressée par écrit à l’autorité hiérarchique qui se prononcera sur la demande.
A cet égard, l’agent doit produire tous les éléments permettant d’établir la matérialité des faits à l’origine de la demande de protection fonctionnelle.
Ainsi, par exemple, lorsqu’un agent est victime d’agissements constitutifs de harcèlement moral, Il lui appartient de soumettre, à l’appui de sa demande de protection fonctionnelle, les éléments de fait susceptibles de faire présumer l’existence d’un tel harcèlement (CAA de Douai, 3 février 2022, n° 20DA02055).
La situation devient délicate lorsque le supérieur hiérarchique, autorité compétente pour se prononcer sur la demande de protection fonctionnelle, est directement mis en cause par l’agent public.
Le principe d’impartialité s’oppose à ce que l’autorité hiérarchique mise en cause se prononce sur la demande de protection fonctionnelle de l’agent public
L’agent public exerce ses fonctions avec dignité, impartialité, intégrité et probité (article L. 121-1 du code général de la fonction publique).
L’impartialité est, ainsi, une obligation qui s’impose toujours aux agents publics, donc, notamment, dans l’exercice du pouvoir hiérarchique.
Le Conseil d’Etat dégage, en effet, de ce principe d’impartialité :
« Il résulte du principe d’impartialité que le supérieur hiérarchique mis en cause à raison de tels actes ne peut régulièrement, quand bien même il serait en principe l’autorité compétente pour prendre une telle décision, statuer sur la demande de protection fonctionnelle présentée pour ce motif par son subordonné ».
(CE, 29 juin 2020, n° 423996).
Par conséquent, le supérieur hiérarchique mis en cause par l’agent public dans sa demande de protection fonctionnelle doit se déporter, alors même qu’il serait justement compétent pour se prononcer sur cette demande de protection fonctionnelle.
Dans le prolongement, la Cour administrative d’appel de Douai a précisé que dans le cas où le maire d’une commune est mis en cause lors de la demande de protection fonctionnelle, en vertu du principe d’impartialité, il ne peut se prononcer sur cette demande :
« Il résulte des dispositions précitées de l’article L. 2122-18 du code général des collectivités territoriales que le maire, qui n’aurait pas délégué cette fonction, est en principe compétent pour se prononcer sur une demande de protection fonctionnelle émanant des agents de sa commune. Toutefois, face à une telle demande qui viserait des faits de harcèlement moral le concernant personnellement et qui comporterait les éléments de fait susceptibles de faire présumer l’existence d’un harcèlement, tels que mentionnés au point 3, il se trouve en situation de ne pouvoir se prononcer sans méconnaître les exigences qui découlent du principe d’impartialité ».
(CAA de Douai, 3 février 2022, n° 20DA02055).
Dans cette hypothèse, que faire ?
Par exemple, le Maire, autorité hiérarchique compétente, doit, donc, se déporter et transmettre la demande de protection fonctionnelle à l’un de ses adjoints ou à l’un des conseillers municipaux dans les conditions prévues à l’article L. 2122-17 du code général des collectivités territoriales.
Et plus généralement, toute autorité hiérarchique compétente mise en cause lors de la demande de protection fonctionnelle doit se déporter.
Pour l’autorité hiérarchique visée, ne pas se déporter, crée un risque pour la légalité de la décision se prononçant sur la demande de protection fonctionnelle au regard de la violation du principe d’impartialité.
Notre conseil pratique
Il convient, donc :
– pour l’agent sollicitant la protection fonctionnelle, de bien lister l’ensemble des faits et actes pour lesquels la protection fonctionnelle est sollicitée ainsi que leurs auteurs ;
– pour l’autorité hiérarchique, analyser précisément les faits et actes à l’origine de la demande de protection fonctionnelle pour déterminer le risque d’impartialité et, ainsi, pouvoir opportunément se déporter.