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Les pouvoirs du juge dans le cadre d’un recours en contestation de la validité du contrat

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Les pouvoirs du juge dans le cadre d’un recours en contestation de la validité du contrat

Il s’agit ici du recours de pleine juridiction en contestation de la validité du contrat, également, appelé recours « Tarn et Garonne ».

Autrement dit, nous excluons, ici, les référés précontractuels et contractuels.

Sans refaire un cours théorique sur le contentieux de la passation des contrats administratifs, nous rappellerons seulement les grands principes du recours en contestation de validité du contrat à l’aune du jurisprudence récente du Conseil d’Etat qui a approfondi ses pouvoirs (CE, 9 juin 2021, n° 438047).

La révolution du recours en contestation de la validité du contrat : l’arrêt « Tarn et Garonne »

L’intérêt de la jurisprudence « Tarn et Garonne » est d’avoir, notamment, simplifié les recours contre les actes contractuels.

L’action contentieuse contre le contrat ne dépend plus de la qualité du demandeur :

« Considérant qu’indépendamment des actions dont disposent les parties à un contrat administratif et des actions ouvertes devant le juge de l’excès de pouvoir contre les clauses réglementaires d’un contrat ou devant le juge du référé contractuel sur le fondement des articles L. 551-13 et suivants du code de justice administrative, tout tiers à un contrat administratif susceptible d’être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses est recevable à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses non réglementaires qui en sont divisibles ; que cette action devant le juge du contrat est également ouverte aux membres de l’organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné ainsi qu’au représentant de l’Etat dans le département dans l’exercice du contrôle de légalité ; que les requérants peuvent éventuellement assortir leur recours d’une demande tendant, sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, à la suspension de l’exécution du contrat ; que ce recours doit être exercé, y compris si le contrat contesté est relatif à des travaux publics, dans un délai de deux mois à compter de l’accomplissement des mesures de publicité appropriées, notamment au moyen d’un avis mentionnant à la fois la conclusion du contrat et les modalités de sa consultation dans le respect des secrets protégés par la loi ; que la légalité du choix du cocontractant, de la délibération autorisant la conclusion du contrat et de la décision de le signer, ne peut être contestée qu’à l’occasion du recours ainsi défini ; que, toutefois, dans le cadre du contrôle de légalité, le représentant de l’Etat dans le département est recevable à contester la légalité de ces actes devant le juge de l’excès de pouvoir jusqu’à la conclusion du contrat, date à laquelle les recours déjà engagés et non encore jugés perdent leur objet ».

(CE, Assemblée, 04 avril 2014, n° 358994).

La jurisprudence « Tarn et Garonne » a, donc, ouvert un recours au tiers susceptible d’être lésé dans ses intérêts de façon directe et certaine par le contrat ou sa passation. Sans considération de sa qualité, il dispose d’une action contentieuse spécifique permettant de contester la validité du contrat administratif ou de certaines de ses clauses.

Il s’agit d’une franche avancée. Jusqu’alors les tiers, autres que les concurrents évincés, aux contrats administratifs ne pouvaient pas former de recours directement contre le contrat.

Les tiers au contrat ne pouvaient que contester par la voie du recours en excès de pouvoir les actes détachables (CE, 4 août 1905, Martin, n°14220) et les clauses réglementaires (CE, 10 juillet 1996, n° 138536).

Quel délai de recours ?

Cette action en contestation de validité du contrat doit être introduite dans un délai de deux mois à compter de l’accomplissement des mesures de publicité appropriées. Et, la jurisprudence tend à transposer ici la solution issue de l’arrêt Czabaj (CE,13 juillet 2016, M. Czabaj, n° 387763) :

« Toutefois, le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l’effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contesté indéfiniment un contrat administratif dans le cas où l’administration a omis de mettre en œuvre des mesures de publicité appropriées. En cette hypothèse, les tiers ne peuvent exercer de recours juridictionnel contre le contrat au-delà d’un délai raisonnable, qui ne saurait, sous réserve de circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, excéder un an à compter de la date à laquelle celui-ci en a eu connaissance. » 

(en ce sens : TA Lille, 15 octobre 2019, n° 1706673 également en ce sens CAA Marseille, 25 avril 2022, n° 19MA05387).

Autrement dit, en l’absence d’accomplissement des mesures de publicité appropriées, le recours est ouvert dans un délai raisonnable, qui, sauf circonstances particulières, est d’un an.

Les pouvoirs du juge de la contestation de la validité du contrat

Des pouvoirs initialement étendus avec la jurisprudence Tarn et Garonne 

Après avoir pris en considération la nature de ces vices, le juge du contrat peut :

  • – décider de la poursuite de l’exécution du contrat ;

  • – inviter les parties à prendre des mesures de régularisation dans un délai qu’il fixe ; 

  • – en présence d’irrégularités qui ne peuvent être régularisées et ne permettent pas la poursuite de l’exécution du contrat, prononcer, le cas échéant avec un effet différé et après avoir vérifié que sa décision ne portera pas une atteinte excessive à l’intérêt général, la résiliation du contrat ;

  • – prononcer, si le contrat a un contenu illicite ou s’il se trouve affecté d’un vice de consentement ou de tout autre vice d’une particulière gravité que le juge doit ainsi relever d’office, l’annulation totale ou partielle de celui-ci ;

  • – faire droit, s’il en est saisi, y compris lorsqu’il invite les parties à prendre des mesures de régularisation, à des conclusions tendant à l’indemnisation du préjudice découlant de l’atteinte à des droits lésés.

Autrement dit, la gamme de pouvoirs offerte au juge du contrat était déjà très complète.

Pour autant, dans un arrêt récent, le Conseil d’État a encore renforcé les pouvoirs du juge du contrat.

Une clarification récente des pouvoirs du juge du contrat.

En effet, dans un récent arrêt le Conseil d’État précise l’office du juge saisi du recours d’un tiers contestant la validité d’un contrat administratif :

« Il résulte de ce qui précède que le juge du contrat saisi par un tiers de conclusions en contestation de la validité du contrat ou de certaines de ses clauses dispose de l’ensemble des pouvoirs mentionnés au point précédent et qu’il lui appartient d’en faire usage pour déterminer les conséquences des irrégularités du contrat qu’il a relevées, alors même que le requérant n’a expressément demandé que la résiliation du contrat. Par suite, en considérant que les écritures par lesquelles M. A… faisait valoir devant elle que les vices entachant le contrat étaient de nature à entraîner son annulation constituaient des conclusions nouvelles en appel et par suite irrecevables au motif qu’il n’avait demandé au tribunal administratif que la résiliation du contrat, alors que les conclusions de M. A… devaient être regardées dès l’introduction de la requête devant le tribunal comme contestant la validité du contrat et permettant au juge, en première instance comme en appel, si les conditions en étaient remplies, de prononcer, le cas échéant d’office, l’annulation du contrat, la cour administrative d’appel de Bordeaux a commis une erreur de droit »

(CE, 9 juin 2021, n° 438047).

Ainsi, saisi par un tiers d’un recours en contestation de la validité du contrat ou de certaines de ses clauses, le juge du contrat peut relever d’office tout vice d’une particulière gravité. 

Et, surtout, désormais, le juge doit tirer toutes les conséquences d’une telle irrégularité.

Par conséquent, alors même qu’il n’est pas saisi de conclusions en ce sens, le juge du contrat peut prononcer d’office l’annulation du contrat.

Il n’en demeure pas moins que le recours en contestation de validité d’un contrat peut s’avérer être un chemin rempli d’embuches. 

Dès lors, nous ne pouvons que vous conseiller de vous rapprocher un avocat expert en la matière.

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