L’abattage des arbres remarquables ou non fait l’objet d’une vigilance particulière et d’une protection juridique, d’autant plus dans les aires urbanisées, où leur implantation est perçue comme une arme contre le réchauffement climatique.
L’adoption du PLU de la Ville de Paris constitue un exemple récent de cette protection accrue accordée aux arbres en milieu urbain (voir la révision en cours du PLU de la Ville de Paris).
Il peut, cependant, arriver parfois que la présence d’un arbre cause des difficultés pour des particuliers, notamment lorsque cet arbre entrave un projet de construction, ou crée un risque pour la sécurité des biens ou des personnes.
Lorsque l’arbre en question fait l’objet d’un classement, sa protection est accrue. En effet, si la préservation des arbres, et plus singulièrement des arbres remarquables doit s’envisager avec la prise en compte des besoins et des logiques d’urbanisation, on assiste à une diversification et une intensification du régime de protection des arbres.
En ce sens sont de plus en plus fréquemment recensés dans les documents d’urbanisme, les arbres remarquables soit, le plus souvent, les plus beaux spécimens ou les plus rares, qui attirent l’attention en raison de leurs caractéristiques particulières (taille, âge, stature et aspect).
S’il existe à ce jour plusieurs régimes et mécanismes de protection des arbres dits remarquables (par exemple lorsque ledit arbre se situe dans un parc naturel classé), le droit applicable aux arbres remarquables, isolés, qui se situent à la fois dans des aires urbaines et sur des terrains privés mérite qu’on en rapporte les principes.
La nécessaire identification de l’arbre remarquable
La protection des arbres remarquables débute obligatoirement par leur identification.
Généralement, ce travail est effectué par la commune sur laquelle est situé ledit arbre.
Le plan local d’urbanisme (PLU) vient recenser l’ensemble des éléments paysagers qu’il souhaite sauvegarder et protéger, et à ce titre, la commune peut établir une liste des différents arbres à protéger.
Cette liste est établie au regard des motifs d’ordre écologique, culturel que présentent la sauvegarde de ces arbres (article L. 151-23 du code de l’urbanisme). La préservation des arbres remarquables peut aussi résulter de leur caractère historique (article L. 151-19 du code de l’urbanisme).
Une fois visé par le PLU, les arbres remarquables bénéficient alors d’une protection juridique, qui diffère entre chaque commune ou intercommunalité.
La protection de l’arbre remarquable intégré comme un élément de paysage
Dans le cadre d’un projet de construction, l’article R. 111-27 du code de l’urbanisme dispose :
« Le projet peut être refusé ou n’être accepté que sous réserve de l’observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l’aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l’intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu’à la conservation des perspectives monumentales ».
Autrement dit, c’est par l’identification du PLU de certains arbres comme présentant un intérêt, comme un élément du paysage, que leur préservation est garantie.
En pratique, les communes se sont saisies de la possibilité de soumettre à une autorisation préalable l’abattage d’un arbre identifié comme présentant un intérêt, conformément à l’article L. 113-2 du code de l’urbanisme :
« sur tout ou partie du territoire couvert par ce plan, les coupes ou abattages d’arbres isolés, de haies ou réseaux de haies et de plantations d’alignement ».
Dans le même sens, le PLU peut poser des prescriptions spécifiques afin de « légitimer » une atteinte aux arbres remarquables.
En outre, le PLU peut enrichir le régime protecteur des arbres isolés identifiés, en conditionnant « toute intervention » sur ledit arbre à l’obtention d’une autorisation préalable.
Dans ce contexte, abattre un arbre dit remarquable, identifié comme un élément du paysage, peut devenir un véritable défi pour le particulier qui voit son projet d’aménagement ou de construction « bloqué ».
En effet, l’abattage de ces arbres est assez limité, et ne peut être réalisé qu’en raison de certains motifs.
Outre les prescriptions particulières du PLU, l’abattage d’un arbre identifié au PLU comme présentant un intérêt va être conditionné à l’existence d’un risque sanitaire ou sécuritaire non négligeable, que seul l’abattage peut résoudre.
Ainsi, si une autre opération que l’abattage permet d’écarter le risque, l’autorisation préalable a très peu de chance d’être accordée.
Autrement dit, il sera nécessaire de rapporter la preuve, de la part du pétitionnaire, que la préservation de l’arbre est impossible techniquement, et que la préservation de cet arbre expose les administrés à un risque important en termes de sécurité. Pour que l’autorisation préalable à l’abattage de l’arbre soit accordée, cette opération doit être la seule solution pour mettre fin à l’existence du risque.
Cette preuve devra parfois être rapportée après la saisine d’un expert-judiciaire.
La protection de l’arbre remarquable bénéficiant du classement EBC (espace boisé classé)
Les communes peuvent aller encore plus loin en classant certains arbres en espace classé boisé au sens de l’article L. 113-1 du code de l’urbanisme.
Ce régime est très protecteur puisque ce classement « interdit tout changement d’affectation ou tout mode d’occupation du sol de nature à compromettre la conservation, la protection ou la création des boisements ».
Même si l’arbre est isolé, il peut tout de même bénéficier de ce régime.
Dès lors, la modification du terrain, même si elle n’entraine aucun abattage, peut être interdite.
En ce sens, la haute juridiction civile a jugé :
« que la réalisation d’une voie de circulation, même si elle ne suppose aucune coupe ou abattage d’arbres, constitue un changement d’affectation du sol de nature à compromettre la conservation, la protection ou la création de boisements dans un espace classé » .
(Cour de cassation, 3e civ., 11 janvier 2018, n° 17-14.173)
Souvent, ce régime d’espace classé boisé est couplé avec la détermination d’un périmètre de protection autour de l’arbre, dont le rayon est l’équivalent de la taille adulte de l’arbre. Une fois fixé, il sera impossible de modifier l’affectation du sol de ce périmètre, puisque cette opération serait de nature à compromettre l’arbre remarquable classé EBC.
Ce mécanisme permet notamment d’anticiper les problématiques qui pourraient naitre à l’avenir et qui motiveraient alors l’abattage d’un arbre. En effet, un déterminant un périmètre dont le rayon est la taille de l’arbre adulte, le risque d’affaissement par exemple, peut être écarté alors qu’il est habituellement accueilli pour procéder à l’abattage (arbres dangereux menaçant de s’écrouler).
C’est donc par l’interdiction de construire aux abords des arbres remarquables classés EBC que la protection de ces arbres devient effective.
En pratique, seules des raisons sanitaires ou liées à un danger important, imminent, qu’aucune autre solution que l’abattage ne peut résoudre, amènent l’autorité administrative à accorder l’abattage de l’arbre. L’abattage doit être considéré comme une solution de dernier recours.
Pour les arbres classés EBC, l’abattage doit faire l’objet d’une autorisation préalable.
Cette demande d’autorisation préalable doit être adressée au Maire (formulaire CERFA n° 13404*05). Le Maire transmet ensuite cette demande au service forestier de la Direction Départementale du Territoire (DDT) qui donne un avis technique sur lequel le Maire s’appuie pour autoriser ou non l’abattage.
L’existence de nombreux autres régimes de protection :
D’autres régimes de protection des arbres isolés, situés sur des terrains privés, peuvent être applicables et il est nécessaire de se renseigner avant toute intervention sur ledit arbre.
A noter, par exemple le cas où :
- – un arbre se situerait dans le périmètre d’un monument historique (intervention nécessite l’obtention d’un avis conforme de l’ABF de l’UDAP) ;
- – l’arbre lui-même a été inscrit comme un monument historique ;
- – l’arbre est une espèce végétale protégée…
Nous sommes à votre disposition pour vous aiguiller sur le régime juridique applicable aux arbres qui seront concernés par votre projet.
(Cet article a été coécrit avec Julien CHAPPEY, étudiant en Master 2 Droit des interventions publiques à l’Université d’Angers Saint Serge et actuellement en stage).